Comme ce texte est singulier. Le monde celtique se découvre, et même, plutôt, il s'invente. Tout le monde britannique vibre aux poèmes que Mc Pherson a traduit du barde Ossian, tout droits venus du 2ème siècle.
L'épopée est majestueuse, à la fois cruelle et pensive. Elle est baignée d'amours sauvages, de vents et de mer. Les noms sont merveilleux, et le merveilleux lui-même pas bien loin, avec tout l'espace des légendes auprès.
D'autres complèteront la redécouverte de McPherson, dont un certain John Smith. En France, c'est la révolution. On a besoin de prose épique. C'est un livre qui m'est cher, an VII de la République, que ces premières traductions – longs poèmes en prose – de McPherson.
Et Chateaubriand... Il a vingt ans, il est exilé à Londres. Son oeuvre est à venir, avec le voyage d'Amérique qui sera si décisif. Il aura donc manqué une occasion, l'épopée d'Ossian étant déjà célèbre, et traduite ?
C'est faire bon prix de son génie à lui. Il prend John Smith, et voyez sa préface : l'important, c'est ce dont on rêve, quand on lit Ossian. Ce sont les images qui nous traversent, et les espoirs, et les sensations. Alors, on a légitimement le droit de s'approprier Ossian, de le réécrire. De fabriquer notre légende en prose.
Et ce d'autant plus que personne n'y croit déjà plus beaucoup, alors, à Ossian.
Voici donc un pur morceau d'invention lyrique qui vient, en pleine période révolutionnaire, secouer notre langue, et l'agrandir. Et comment serions-nous insensibles – quand le monde celte, qui a voulu rester en dehors de l'aventure de l'écriture, vient enfin reprendre sa place dans nos mythologies personnelles ?
La grandeur d'Ossian, c'est cette invention dans l'écriture.
Couverture : Le Songe d'Ossian, par Ingres (détail).
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