Combien sommes-nous à avoir découvert Edgar Poe par Double assassinat dans la rue Morgue et La lettre volée ? Normal, ce sont les deux nouvelles qui ouvrent le premier recueil des traductions de Baudelaire,
Histoires qui évidemment ont beaucoup contribué à conférer à Poe sa réputation sulfureuse, et déjà traduites deux fois avant Baudelaire. Et on sait leur étonnant destin, à commencer par Poe lui-même et la suite qu'il leur donne avec Le Mystère de Marie Roget, transformant en triptyque les deux récits rassemblés sous le titre Les facultés divinatoires d'Auguste Dupin, I et II. Alors Sherlock Holmes et tous les autres ne sont pas loin, le roman policier est inventé.
Pour autant, c'est la vieille aventure littéraire qui reste le jardin d'aventure – Lacan ne s'y est pas trompé. Et même Marie Roget commencera sous une exergue prise à Novalis.
C'est peut-être ça le nouveau régal à venir relire ces histoires que tous nous avons déjà traversées : laisser se développer la rhétorique, voir Poe au travail, voir se construire et s'agence un récit où chaque phrase va apporter sa nuance, suite de digressions qui vont en nuage, appellent à la mystique, font de Dupin un inventeur du fantastique – et où s'écrit au fond la ville moderne.
C'est l'écriture aux prises avec la description du monde, et susceptible, en s'organisant elle-même, de changer le tableau contemporain du monde. Sinon, Poe ne nous fascinerait pas tant, même sous les ors de Baudelaire.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.