Le livre ultime de Flaubert : celui qu'il voulait comme l'aboutissement de lui-même, et un résumé de l'humanité.
Pas glorieux, le Flaubert ultime, entre une solitude véritable, les problèmes d'argent récurrent, et un monde qui s'en va à vau l'eau.
Dans ses chantiers au long cours, l'idée d'un dictionnaire des idées reçues, d'une encyclopédie de la bêtise. Le monde tourne bureaucrate ? Alors on prend comme Don Quichotte et Sancho Pança deux employés de bureau. C'est la modernité radicale de Bouvard et Pécuchet.
Ils vont tout voir, tout faire. Gérard Genette a calculé qu'en empilant tout ce qu'ils font, leur retraite dure 165 ans. Mais chaque chapitre est une lame tendue, on passe en revue (on exécute, en le faisant soi-même), la religion, l'amour, l'éducation, mais aussi l'archéologie, le jardinage, la politique locale.
Ils ratent tout : mais c'est bien ce qui caractérise la société bourgeoise, aux yeux du grand Flaubert.
On rit, à Bouvard et Pécuchet, comme on rit au Quichotte : pas possible de s'en empêcher. Et pas de plus belle humanité que ce comique poussé jusqu'à la caricature, quand tout oppose et tout réunit et Bouvard et Pécuchet.
N'empêche qu'au bout, c'est le tragique qui l'emporte : ce qu'ils auront enfin inventé qui marche ? Retour à leur métier premier, la copie. Sauf que cette fois il s'agit de tout copier. Et nous attendrons toujours ce dernier chapitre que Flaubert n'a pu qu'esquisser.
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