Carnet de bord, semaine 50 15 décembre 2019 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : Christine Jeanney, christophe grossi, Elena Jonckeere, Joachim Séné, Lionel-Édouard Martin, Rainer Maria Rilke
publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.
lundi
La Fondation Rilke en Suisse souhaite recevoir en SP les exemplaires de nos nouvelles traductions (Poèmes nouveaux en deux tomes et Les Sonnets à Orphée), ce qui est cool. Mais la Fondation Rilke en Suisse est en Suisse (jusque-là tout va bien). Ça implique un coût de colissimo conséquent et toute une ribambelle de documents douaniers à joindre au colis, puisque nous sommes hors UE. Le hic, c'est qu'il ne s'agit pas d'une transaction commerciale : pas de possibilité de joindre aucune facture. Ce sont plutôt des échantillons gratuits. Il faut passer un certain temps à remplir ça (y compris les données propres à chaque produit, comme le prix, quand bien même ces produits ne sont pas vendus). Ce qui est surtout relou c'est de se dire que malgré tout, l'envoi peut être bloqué à la douane pour un papier manquant. Mais, ce faisant, je peux utiliser mes pochettes documents ci-inclus qui me servent deux à trois fois par an à tout casser (on a les plaisirs qu'on peut). Tout est réglé, il ne reste plus qu'à poster. Oui, mais la Poste ferme plus tôt ce soir (c'est lié aux grèves). Je rentre donc bredouille, enfin non le contraire de bredouille puisque j'ai encore mon colis avec moi. Sur le chemin du retour, me voici frappé de l'épiphanie que j'aurais dû avoir une heure plus tôt (et que Roxane me soufflera aussi une fois rentré) : ce colis, il faut l'envoyer en tarif lettres et brochures, et économiser dix balles sur l'envoi. En réalité, c'était assez évident. Heureusement donc que la Poste était fermée. Mais j'ai gaspillé une enveloppe, et une pochette document ci-inclus. Sans compter les quelques minutes nécessaires à rendre compte de ce non-évènement dans le carnet de bord, et les vôtres à le lire. J'aurais mieux fait de me replonger dans l'épreuve de L'homme heureux. Sauf que ça, je l'ai déjà fait un peu plus tôt dans la journée. Quelques petits ajustements de dernières minutes, notamment sur la couverture (réagencer le nom de l'auteur et le sous-titre pour que ce soit plus visible), mais aussi dans le texte. Fort heureusement, avec Christine (puisque nous relisions en même temps), on ne voit pas les mêmes choses. À deux endroits du texte, une lettre fantôme s'est déplacée d'une ligne. Flippant. Dans les bulles de commentaires, j'écris plusieurs fois la phrase désolé de me réveiller si tard mais... Et Roxane modifie légèrement l'interlignage, pour le resserrer un peu : je trouve que ça flotte peut-être trop. Or, dans le roman, les câbles sous-marins, ils ne flottent pas, ils ne cherchent pas à esquiver la douane pour arriver en Suisse : ils sont ensouillés (et le reste de l'humanité avec).
mardi
Étant aujourd'hui aphone, il va falloir tendre l'oreille. Impossible d'avoir notre point téléphonique hebdomadaire avec Julie, ce sera reporté à plus tard. À la place, je reprends le brouillon des deux quatrièmes pour La ville soûle et la réédition de Va-t'en. C'est une vieille feuille de papier imprimée et raturée de toute part, comme au temps antédiluvien d'avant tous les points net de la terre. Je barre et corrige en rouge, comme sur une copie d'élève ou d'étudiant, sauf que là, je passe aussi mon temps à corriger mes propres corrections et réécrire par dessus. Au bout d'un moment, on n'y comprend plus rien, c'est signe qu'on avance. Au début, c'était trop long. Il a fallu soustraire. Ensuite, je me suis rendu compte que je disais exactement la même chose dans les deux livres. Et puis, je convoquais des imaginaires pas toujours très appropriés. Il ne faut pas non plus que ça pèse. Il faut que ça respire. Il faut qu'on puisse se dire, c'est tout à fait moi. Ou, ça pourrait le devenir. En fait, j'ignore ce que ça devrait dire. Si j'étais en face de quelqu'un et que je devais lui donner envie de lire ces livres, je dirais quoi ? Bien sûr, ce n'est pas aussi simple de se faire comprendre, et entendre. Surtout quand on n'a plus de voix.
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jeudi
Reprise de la quatrième de La ville soûle avec Christophe. On avance bien. En quelques allers-retours, on atteint un genre de point d'équilibre qui nous donne le sentiment que ça y est, ça fonctionne. Depuis la première version, elle a beaucoup bougé (tant mieux). Et puis, rien n'est définitif. Nous pourrons encore apporter quelques ajustements si besoin et ce même après les dépôts de métadonnées. Le livre sort en mars. Il y a encore un peu de temps. Du temps, j'en aurai besoin pour envoyer divers contrats en série : pré-remplir des documents à signer et compléter en ligne, puis envoyer ensuite les invitations aux autrices et auteurs concernés en répétant sempiternellement un peu peu la même chose (sauf que lorsqu'on répète la même chose à des personnes différentes, ce sont malgré tout des choses qui ne sont dites qu'une fois). À chaque nouveau document enregistré, ça nous fait des notifications de partout, certaines fois mêmes avec des noms fantomatiques qui ne sont plus depuis longtemps les nôtres. Des genres de rémanences administratives. On s'y fait.
vendredi
Les épreuves du Faune Barbe-bleue viennent d'arriver. Les envoyer, les examiner, les inspecter sous toutes leurs coutures. Puis, mais ça sera pour la semaine prochaine, relire une dernière fois le tout pour vérifier que tout va bien (et, si tout ne va pas bien, y remédier).
Mais avant cela, cet après-midi, Philippe et moi sommes des visiteurs à numéro. Rendez-vous au siège d'Hachette à Vanves, qui est soit dit en passant indiqué sur des panneaux routiers municipaux (bientôt nous serons comme dans L'homme heureux tenus d'entendre les noms des grands groupes industriels et commerciaux cités dans les transports en commun quand on s'en approche). Là, pas de transports en commun (grèves). On vient donc en voiture. Et quelque part nous sommes encore à l'heure où vous lisez ces lignes à errer dans le parking souterrain du complexe en quête du niveau moins deux puis, une fois ledit niveau moins deux trouvé, en quête du bon ascenseur nous conduisant dans le hall d'accueil, et alors là on a l'impression de débarquer d'un passage secret caché dans l'immense bibliothèque (sous verre) qu'il y a le long du mur. Quand on utilise l'expression le monde de l'entreprise, c'est à ce genre d'environnement que l'on pense. La réunion est à dans une salle à l'étage et dans tous les couloirs, il y a des effigies d'Astérix et Obélix (qui hissent tout de même le chiffre d'affaire du groupe de façon spectaculaire à chaque nouvelle parution : depuis plusieurs semaines maintenant les affiches dans le métro indiquent déjà plus de 2 millions de lecteurs). Ça, ce n'est que l'environnement. Le décor. Nous, nous sommes toujours en quête de formes de métamorphoses de nos livres, et de nos façons de procéder. C'est l'objet de cette réunion. Le truc, c'est qu'on ne peut pas tout absorber d'un coup. Cette année, c'était l'autorisation des retours sur le catalogue, un choix payant d'après les chiffres qu'on examine ensemble. Que nous réserve 2020 ? On en discute justement avec nos interlocutrices, côté Lightning Source comme côté Hachette. Je prends des notes sur un carnet avec des baleines dessus. Je note principalement des chiffres ou des choses comme attention aux délais ou dispatch. Dans une réunion comme celle-ci, on vient avec ce qu'on veut faire en tête. Et on le confronte avec ce qu'on peut faire. Parfois, il y a un hiatus. On discute. On repart du niveau moins deux avec un (ou une, ça n'est pas clair, l'usage hésite) thermos : cadeau de fin d'année d'LSF. Elle nous sera bien utile si nous passons la nuit coincés dans les bouchons pour rentrer aux heures de pointes un vendredi de grève (s'écrit alors en creux toute une apothéose d'un carnet de bord postapocalyptique avec des hordes de véhicules à l'arrêt, une jungle de phares et de feux rouges, des marées humaines piétonnes déferlant, des vagues de trottinettes déboulant de partout à des vitesses préoccupantes...). En réalité, ce sera simplement une traversée de Paris certes un peu lente, mais avec du doux jazz, nos thermos pour nous tenir chaud, et des perspectives d'avenir meilleur.