[NOUVEAUTÉ] Millimètres, de François Bonneau 2 novembre 2016 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : , , ,

Paru en 2011, Millimètres, de François Bonneau, existe désormais en version papier. Un petit livre à glisser dans sa poche, dont voici un extrait :

Et ce grand lézard de l’enfance, sur le tableau mouvant, entre d’autres différents tableaux, entre des épisodes, à cet âge on ne fait pas de différence, surface à informer, surface à oublier, formes mouvantes, écran qui aurait dû distraire, qui aurait dû cette fois-ci encore, c’était pourtant le programme, le lézard gigantesque, qui mordait maladroitement une sorte de disque, un arrondi organique, une saloperie quelconque, un lézard ça ne fait pas vraiment peur, ça perd sa queue comme un rien un lézard, oui mais celui-là tourmente encore, parfois, parce qu’il a des yeux totalement vides, ne ressent rien, n’importe qui pourrait être la galette entre ses dents, n’importe quel apôtre, n’importe quelle cuisse, et surtout n’importe qui pourrait être lui, parce qu’un membre de l’humanité ou un autre, qui bouffe une cuisse anonyme d’un œil vide, le cas échéant on ne saurait parler d’innommable, plutôt de contre-performance, voilà ce que rappelle ce grand lézard, si l’on prend les choses trop au pied de la lettre.

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C’est une voix en lutte contre la pensée qui décortique, la pensée qui règle et organise le monde, la ville, notre présent. Mais on ne mène pas cette lutte à distance : on va tout auprès,tout contre de ce qui plie, craque, grince, tranche. On bat la mesure.

Et on oppose le corps. La langue de François Bonneau est charnelle, composée d’odeurs, de peaux, de membres et de chiens, de frottements. Tout se passe bien sûr dans le micro, dans le menu. Henri Michaux est allé déjà dans ces zones, avec ses Meidosems : en agrandissant notre regard, on découvre des mondes inédits à figurer. Ainsi les Millimètres : on ne sait exactement ce que c’est, mais cela passe entre les corps, entre les temps, comme des déplis microscopiques.

Le tissage même du texte est millimétré. Chaque fragment porte un numéro (1.1, ou 5.3, par exemple) dont les nombres (avant et après le point) correspondent à deux paramètres qui se combinent et forment une sorte de table chiffrée où les fragments se disposent. On peut lire le texte horizontalement (c’est-à-dire linéairement) ou bien verticalement (en suivant les liens internes associés aux nombres). On peut aussi créer notre propre parcours éclaté en suivant les associations de mots-liens.

Mais les Millimètres, ce n’est pas seulement de l’écrit : c’est aussi de la création sonore et vocale. Des expérimentations originales, fortes, dévoyantes, où on sent le sérieux d’une recherche et d’une implication littéraires.

Cette publication est le résultat d’un véritable travail collectif, pour la carte interactive qui permet une navigation innovante dans textes et sons.

Belle façon pour François Bonneau, rencontré à Poitiers en 2006 en même temps que Cécile Charpentier (qui prête aussi sa voix ici), de faire son entrée chez publie.net.

Mahigan Lepage

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