Avec ces quatre nouveaux récits d'une cohérence exemplaire, Monique Agénor poursuit ses Fils de la nuit selon le même principe : l'unité de lieu, c'est l'océan Indien, ses îles. Chaque récit est lié à une île, ou un lieu de ces îles, Réunion, Comores, Rodrigues après Madagascar ou Maurice dans la première série.
Dans chaque récit, une accroche au présent : la voilà, ici et maintenant, la ravine à malheurs. Et quand l'écriture s'y engouffre c'est le passé de légendes qui surgit, avec son fantastique, mais aussi ses luttes, ses cris, ses colères et ses appels au secours.
Le premier récit est exemplaire de cette façon de tisser le politique et le fantastique, par le seul lyrisme tenu de la langue : de la responsabilité individuelle dans l'esclavage, par ceux qui en furent les bénéficiaires. De l'intériorisation d'une soumission injustifiable par ceux qu'on y avait astreint.
Ou, ailleurs ce jeune Hollandais venu comme tant de touristes à Rodrigues mais qui y trouva la mort. Ou de ce rituel d'initiation qui autorise le viol au nom de la communauté pour Hadidja aux Comores.
On n'en sort pas intact. Mais la langue est faite des matières et couleurs de là-bas. Elle chante encore le créole et tous ces mots qui transfigurent la nôtre.
Il y a une très grande fierté, pour un éditeur, à accueillir Monique Agénor et ses légendes pour aujourd'hui. Le chant s'en prolonge longtemps. Quand aux vieilles frontières du monde (et quelle frontière qu'une île), c'est dans nos mains même qu'elles craquent.
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