Ne laissons pas Maria Chapdelaine à nos amis québécois.
Louis Hémon meurt à 33 ans, il est au Québec depuis 20 mois seulement, dont cet hiver dans un chantier des bois du lac Saint-Jean. À Montréal, il essaye de faire son chemin dans le journalisme, notamment en expliquant à ceux de l'Amérique les bienfaits du sport (cyclisme, course), tel qu'on le pratique en Europe. Et puis il retente l'aventure : il marche le long d'une voie ferrée avec un Australien de son acabit, quand ils sont fauchés par un train. En froid avec sa famille, il s'est marié à Londres, a eu un enfant, mais la jeune femme a dû être hospitalisée dans un hôpital psychiatrique, l'enfant confié à sa soeur. Le contexte de Maria Chapdelaine n'a rien d'une fable paysanne.
C'est une histoire tragique, carrée comme une tragédie grecque. Une femme, trois hommes, le temps, la mort.
Et puis l'espace: les routes du grand nord. Et puis l'hiver même, et l'immigration, comme cet accordeur de piano parisien débarqué là soudain pour planter des pommes de terre. Ou celui d'ici qui a préféré le chemin d'un nouvel exil, vers Boston et l'autre langue. Là aussi, rien de rural dans l'épopée – l'épopée sans voix de Maria, qui n'a pas les rêves d'une Emma Bovary, c'est ce qui rend ce livre si magnifique.
Un an plus tard, en 1914, l'histoire se chargerait de rebrasser les cartes. Reste la neige, le bois, le temps. Reste l'art des paroles, et comme au Québec on les retient.
Louis Hémon a tout compris, observé, deviné. Un écrivain.
FB
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.