Au moment de présenter Liliane Giraudon, il me vient une expression, comme si le texte pouvait s’arrêter là : Liliane Giraudon est une ligne droite.
Parce que, pour moi, Liliane Giraudon c’est une direction. Quelqu’un qui cherche et qui expérimente. Et que ce que nous nommons littérature, c’est ce qui catalyse et sédimente en aval, où soi-même on s’installe pour travailler, tandis qu’eux sont déjà partis un peu plus loin devant, dans cette brume où viendront les nouveaux travailleurs, vous savez le reste de la lettre à Paul Demesny.
Ainsi, et c’était déjà dans le paysage quand j’en ai soulevé un coin de trappe, fin des années 70, la revue Banana Split avec Jean-Jacques Viton. Ainsi, la permanence de l’atelier POL, la façon dont l’éditeur lui a donné ces galeries et chambres, voir Liliane Giraudon sur site POL(en 1978, déjà ce titre : Têtes ravagées : une fresque, ou ce Pour Claude Royer-Journoud). Et retenir cette Divagation des chiens ou sonParking des filles...
Atelier aussi qui se confond avec territoire : l’implantation à Aix Marseille, de si longue date, la poésie par porosité et accueil.
Alors évidemment, très fier que Liliane Giraudon ait accepté de venir symboliquement nous rejoindre sur publie.net.
Seulement, après cela, voilà : ce texte, Les talibans n’aiment pas la fiction, se passe complètement de Liliane Giraudon, voire de nous-mêmes. Ce qui compte, c’est l’expérience du réel, et comment elle percute l’écriture. Et que cette friction, cette fissure qui s’inscrit, devient question, n’est pas uniquement texte, ou aboutissement de poésie, mais notre propre rapport au réel, à l’écarquillement des yeux, à la marche et à l’errance. Ce qui rejoint la catalyse de l’objet texte, ce sont des dessins, des images, des notes, des mots recopiés, des observations.
C’est l’expérience du voyage qu’on questionne et qu’on pousse au bout.
Et si cela se passe de nous-mêmes, c’est que le territoire afghan nous est désormais en partie inaccessible, mais que la guerre qui s’y continue se fait en notre nom. L’Afghanistan est pour nous tous un rêve et une tradition, des voyages du père Huk jusqu’aux Cavaliers de Kessel ou le Livre des merveilles de Marco Polo : la planète ne se divise pas, lorsqu’il est question de l’homme. Mais à condition que cette interrogation s’effectue concrètement, par le voyage et le regard, par le travail sur soi dans le choc de l’autre, et combien plus quand il est soumis lui-même à l’éclatement, la pression, le heurt de la guerre. Notre littérature, dans tant de ses âges, s’est écrite à cette frontière (d’Aubigné même). Il ne s’agit pas d’une expérience de l’étranger, il s’agit d’aller chercher l’étranger dans le corps de notre expérience propre.
Il s’agit d’un texte concret : la poésie est à ce prix, démarrer par l’expérience du monde. Bienvenue au Carnet afghan de Liliane Giraudon dans publie.net.
FB
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