Edgar Poe n’est pas un auteur rare. On en trouve des versions numérisées depuis le début de l’Internet littéraire.
Ce qui est rare, c’est son statut dans notre bibliothèque, dans nos dettes de lecteur.
Ainsi, Le scarabée d’or est le premier titre d’Edgar Poe que j’ai lu, je devais avoir 10 ou 11 ans, minuscule petit livre relié (je crois que c’est d’abord le format qui m’a paru mystérieux) dans l’armoire vitrée de mon grand-père maternel.
Et puis, lu d’une traite, cette impression, récurrente avec Poe, qu’on n’a jamais rien lu de tel. À cause de la traduction de Baudelaire, ses curieuses harmoniques, ses amplifications discrètes, ou sa propre dévotion, ou sa simple magie du rythme ? Ça doit probablement compter.
Mais tout simplement parce que c’est Poe. Ce format bref, destiné à la publication magazine, et son propre goût pour le bizarre.
Et qu’on s’y reconnaît de suite : ce sont les codes et canevas des récits d’aventure, des récits fantastiques, des enquêtes de détective, ou des livres de voyage. Seulement, à un moment donné, discrètement, le code est mis en cause : on ne parle plus que d’un seul thème, le cerveau, et ses possibles dérèglements, et ce en quoi alors, en retour, cela affecte la perception du monde et même – c’est là le fantastique singulier de Poe, la réalité même.
Le scarabée d’or ne propose pas les mêmes chamboulements théoriques qu’on peut tirer de Usher, Le puits et le pendue, Descente dans le maelström, Metzengerstein ou Manuscrit trouvé dans une bouteille. Mais c’est un récit plus long que les autres, presque un premier élan vers le grand récit de navigation vers l’Antarctique rêvée, Arthur Gordon Pym. Mais c’est aussi un peu permanent avec le langage, l’art épistolaire, les énigmes codées, et le célèbre manuscrit à déchiffrer.
Peut-être un des plus beaux exemples de pure littérature.
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