Dans le milieu du XIXe siècle, un peintre, désigné ici par son initiale, part sur les champs de bataille de Crimée, et dessine directement ce qu’il voit. Les progrès techniques font qu’en quelques jours ses dessins parviennent à Londres et sont reproduits par la presse. C’est une révolution : des événements qui se produisent à distance, donc invisibles, sont représentés presque en temps réel (pour ceux de l’époque, presque de façon simultanée), et nous parviennent sous forme d’image, sans récit associé. Notre compréhension du monde bascule.
Baudelaire, qui n’a pas eu l’intuition de la photographie et loupe son texte sur ce qu’elle bouleverse, se révèle ici un précurseur d’un point essentiel de notre modernité, et c’est stupéfiant.
C’est aussi la représentation de la ville, de la foule, du mouvement. La ville est perçue dans son anonymat, ses cinétiques. Ce qui se joue dans le texte de Baudelaire, c’est l’émergence d’un vocabulaire et d’un mode de pensée qui n’ont pas de précédent, et où lui-même saura bien reconnaître sa dette à Balzac...
La foule, la ville, la vitesse, l’anonymat, l’accident, l’art et la pensée, la simultanéité, le réalisme, Le peintre de la vie moderne est un texte visionnaire de Baudelaire. Quel plaisir quand une université ou une école d’art nous fait confiance pour une conférence : on remonte toutes les catégories qu’a, avant nous, exploré Walter Benjamin...
Et quel plaisir de le redécouvrir via le numérique, plutôt que perdu dans les oeuvres complètes de Baudelaire : texte revigoré à neuf, et sa version epub pour iPad ou smartphone pour le lire dans une gare, ou en pleine rue...
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