La violence, chez Maupassant, c'est un élément souterrain constant, et probablement d'abord l'écho de la violence faite à lui-même: cet homme sait que sa fin sera précoce et douloureuse (juste, il ne sait pas qu'elle sera bien plus précoce et bien plus douloureuse qu'il ne peut l'imaginer). Homme d'excès, et pourtant peintre aussi fabuleux.
Je n'aime pas les romans de Maupassant, ses nouvelles sont un noeud crucial de notre littérature. Par la vitesse d'écriture (écrites le soir et transmises aux journaux dans la nuit pour parution le lendemain), par l'ouverture du champ littéraire: la vie de bureau, les abords de la ville, le dépli du quotidien...
Mais violence liée directement au fait social dont se charge l'écriture. Destins de rien, ou bien ces égarés dans la guerre. Violence sociale de la bureaucratie bourgeoise qui prend ses marques. Puis violence du rapport homme-femme.
La Petite Roque est un récit quasi insoutenable. Seulement, à 120 ans de distance, faire que nos sociétés prennent en charge le traitement du viol reste un combat.
C'est peut-être cette nouveauté qui fait de la Petite Roque un récit aussi important dans notre histoire littéraire: si la narration passe insensiblement d'un point observation extérieur, flaubertien, à une caméra portée à l'épaule tout près du criminel, et entrant dans son propre délire, c'est que le crime accompli, dans sa part irréparable, crèvera la surface du texte avec une présence qu'on trouve peut-être aujourd'hui dans certains thrillers dits policiers, mais cantonnée là aux êtres ordinaires.
Pour cela, parce que la relecture même de la Petite Roque m'est insoutenable, je l'ai encadrée de deux nouvelles dites normandes: deux récits d'un comique presque attendri, jouissance de la langue paysanne, êtres humains silhouettés d'un seul trait.
A vous le bonheur Maupassant, tout en sachant la dureté de ce qu'il recouvre : et que pour la première fois le viol, alourdi des contraintes sociales, est posé dans son abjection.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.