Bien sûr, il n’y a pas de définition ce qui est ou n’est pas littérature, ni de ce qui définit un écrivain d’un autre qui ne le serait pas.
Seulement, l’histoire de la littérature française est faite de ces surgissements qui a priori lui sont hétérogènes. Les Chants de Maldoror ou ce type de 17 ans qui surgit à pied de Charleville dans la bonne poésie symboliste parisienne. Ou les Oraisons de Bossuet ou les Lettres de Sévigné sa contemporaine ? Ceci pour rappel.
Donc, pas de critère : la décision n’appartient pas à l’auteur.
Mais tous ceux qui ont approché Joris Lacoste, ou l’ont entendu lire, l’ont compris en trois mots, que la question, à son propos, ne se posait pas. Et c’est inexplicable, et doit le rester.
Pour moi, c’est passé, écoutant Joris, par cette présence rilkéenne extrêmement concrète des choses, du temps, de l’espace, un certain rapport entre le mot et ce qu’il désigne, qui vient passer à travers le chant et la déstructuration rythmique de la langue.
Il se trouve que Joris Lacoste n’a pas choisi, pour son travail où l’écriture est centrale en permanence, le chemin convenu des formes littéraires.
Pendant plusieurs années, un travail d’expérimentation et de performance (avec Stéphanie Béghain, notamment) : on en trouvera des traces audio et vidéo dans différents sommaires de chaoid.com, dont on aurait bien aimé qu’il reste plus présent dans le paysage qu’ils ont contribué plus que d’autres à bousculer.
Joris est allé plus loin : au lieu de se coller à faire un livre, comme les autres, il s’est embarqué dans les tournées d’un danseur et chorégraphe de premier plan, Boris Charmartz. L’expérience du corps et du mouvement comme substrat aux avancées de la langue ?
Et, depuis deux ans, il a pris la direction des Laboratoires d’Aubervilliers, là aussi creusant d’abord l’expérience plateau, les croisements disciplinaires [1].
Voici deux textes d’abord publiés dans Inventaire/Invention, et dont nous souhaitons, avec l’auteur, assurer la continuité et la disponibilité : ils font partie des repères les plus contemporains dans le travail de la langue.
Aussi bien dans Ce qui s’appelle crier que dans Comment faire un bloc sont présents les énonciateurs, non pas des personnages, non pas des acteurs, mais des voix en mouvement, en traverse d’espace, qui vont prendre le risque du monde, son énonciation au plus près, la tâche de révolte, et ce qu’elle induit du travail intérieur.
Joris Lacoste, avec ces deux textes, a installé une partie de la grammaire de notre littérature contemporaine, hors genres – la poésie ici déborde, et tout le récit est appelé.
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