Dans ce que le numérique change à notre façon d’écrire, le paramètre du temps est essentiel. Mais ce n’est pas nouveau : le temps a depuis toujours été matière essentielle pour la prose comme pour la poésie, et cela culmine dans À la Recherche du temps perdu.
Et si nous n’avions plus, pour dire, que cet espace restreint de l’écran ? Et si nous n’avions plus, pour imposer ce qui nous amène à la littérature par réflexion, imagination, écart, que ce mouvement rapide de balayage généralisé qui semble être la loi sur Internet ?
Il se trouve, depuis les haïku japonais et leur rigide contrainte formelle, jusqu’à des écritures tenues en condition de survie (Daniil Harms), que ces contraintes du bref peuvent cependant devenir et littérature universelle.
La lecture sur téléphone portable, les expériences de réseau et micro-blogging sur des supports comme twitter.com peuvent-elles supporter ce que nous assignons à la littérature ?
Et s’il fallait plutôt se poser la question à l’envers : puisque notre expérience du monde, en termes d’information, de curiosité, de savoir, mais aussi de pratiques esthétiques, nous ont positionnés dans ce moment du monde, comment mettre cette question en travail, l’expérimenter pour nous-mêmes ?
Faire le projet de s’expédier à soi-même, chaque jour, un « SMS » en 100 caractères (espaces compris), qu’est-ce que cela change (on se souvient du beau titre de la revue de Jean-Pierre Faye) à ma langue, qu’est-ce que cela déplace de mon rapport au monde ?
C’est en tout cas l’expérience qu’a faite, pour cette publication, Béatrice Rilos.
Après son passage aux Beaux-Arts de Paris, où elle a travaillé avec Christian Boltanski, elle a publié un premier livre, Enfin. on fera silence au Seuil dans la collection Déplacements, et vient de publier le second, Is this love, au éditions Le mot et le reste.
Le mot et le reste est un éditeur qui privilégie la relation de la littérature à la musique. Dans Is this love, Béatrice Rilos se saisit de deux figures emblématiques apparemment opposées, sauf justement leur statut de mythe, et ce qui s’y incarne d’une identité antillaise : Bob Marley et Fidel Castro. Et puis, dans cette tension qui les oppose, qu’est-ce se joue, précisément à 2 générations de distance, de cette identité, et, encore plus particulièrement, du statut de la femme ?
Béatrice Rilos l’appréhende depuis son territoire, elle est née à Paris. La ville et le corps, on le verra dans 100 caractères sont les deux « tenseurs » d’une écriture souvent violente, qui travaille dans un processus d’arrachement, où résonne alors forte charge onirique.
Nous tenions à associer ici les deux démarches, le livre Is this love (l’éditeur est présent au Salon du livre), et l’exploration numérique 100 caractères (espaces compris), comme parfaitement symbolique du travail contemporain, de ses enjeux au présent.
l’erratique, le site et blog de Béatrice Rilos2007 Enfin. On fera silence, Seuil , collection Déplacements2008 Cœur mis à nu, Publie.net, Zone risque, avec une préface de Christian Boltanski.2009 Ou les élections, Publie.net , Zone risque
2009 Is this love, Le Mot et le Reste, collection Écrits
l’auteur
Née en 1979 à Paris.
2002 Maîtrise : arts plastiques, Paris VIII
2007 Diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris
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