Carnet de bord 2020, semaine 34 23 août 2020 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , ,

publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

En remplissant le contrat de Juliette Cortese pour Lent séisme, je fais une erreur, et deux fois de suite qui plus est. Je m'en rends compte très vite (c'est une coquille), ça ne prête donc pas à conséquence. Quelle est-elle cette erreur ? J'écris que Juliette détient 200% des droits sur son livre, ce qui n'est sans doute pas faux. Je veux dire : quelle est la part d'investissement d'un auteur ou d'une autrice dans son texte ? N'excède-t-elle pas souvent les 100% ? Mais en droit, non. En droit, on ne peut pas posséder plus que la totalité de ce qui existe. Si on va dans cette voie-là, on sombre dans la poésie, voire la philosophie. J'ai envie de dire, il y a pires endroits dans quoi sombrer. Mais en droit, on ne sombre pas ; 200%, ça voudrait dire le double des droits d'auteur pour la personne. Et pour les conséquences qui surviennent quand l'un des acteurs de la chaîne prend plus que sa propre part dans le gâteau du livre, je vous renvoie au carnet de la semaine dernière. 100%, c'est déjà bien donc (même si, dans les faits, pas assez). Par contre ce qui n'est pas bien, c'est la gestion hasardeuse du formatage en passant d'un traitement de texte à l'autre. Là, le manuscrit de Juliette a souffert des allers-retours répétés au fil de nos échanges (des bizarreries de styles, des changements de police étranges). Dorénavant, il vaut mieux travailler sur PDF. En fait, faute d'un outil d'annotation de texte en ligne comme le fut co-ment il y a quelques années, j'en viens à me dire qu'il vaut mieux travailler toujours sur PDF. C'est plus fastidieux (on ne fonctionne que par commentaire, et impossibilité d'intervenir directement dans le texte avec le suivi des modifications) et plus long pour l'auteur ou l'autrice concerné·e (devoir reporter les corrections dans un autre document plutôt que simplement les valider) mais au moins on ne dérange rien dans le fichier de l'autre.

mardi

Je n'ai plus assez de timbres 250g, imprimés pourtant il y a peu. Soit que j'ai mal calculé mon coup soit qu'on a eu des envois entre temps pour ce poids-là supérieurs à ce que j'avais estimé. Il suffirait d'en réimprimer mais j'ai mis la Dymo en carton (déménagement dans 10 jours) et, bien sûr, je ne sais plus trop où. Ça ne fait rien, j'achèterai des timbres à la poste, même si ce sera un chouia plus cher. C'est pour un envoi du SP de Doucement (!) qui est donc parti au courrier. À la Poste, bien que ça fasse des mois qu'ils filtrent l'entrée pour limiter le nombre de personnes dans le bureau en même temps, je n'ai toujours pas compris pourquoi il y avait des files différentes et à quoi correspond laquelle. Je fais donc la queue parfois dans l'une et parfois dans l'autre, et arrivé devant le vigile je dis toujours la même réplique science-fictionnesque : c'est pour les machines. Quant à l'endroit où je poste mes enveloppes, j'avoue être volage. Si je vais à la Poste, c'est là que je les dépose (oui mais alors il y a deux Poste, celle du haut de la rue et celle du bas de la rue). Sinon, je peux aussi bien opter pour la boîte aux lettres qu'il y a proche de la bouche de métro (auquel cas je fais le tour du pâté de maisons pour revenir à mon point de départ sans avoir l'impression de faire demi-tour ; à moins que je descende la rue au lieu de la remonter  -- mais là la boîte aux lettres a disparu) ; à moins que j'opte pour celle qui jouxte une autre bouche de métro, en face du Monoprix (mais celle-là aussi a été supprimée) ; à moins enfin que je choisisse la boîte aux lettres qui est encastrée dans le mur du bar qui fait l'angle un peu plus loin (mais là, non, je n'y dépose jamais rien, car je ne la connais pas bien cette BAL, or donc j'ai pas confiance). Et une fois de retour devant l'écran je peux constater l'habituel message m'indiquant que je peux ressortir poster un truc (ou attendre le lendemain, ça dépend de mon degré d'urgence des postages et/ou de la température ambiante). Je peux donc dans ce cas me remettre à la rédaction du brouillon de la newsletter qui commence invariablement de la même façon à chaque fois : un curseur clignotant sur une page vide, précédé des mots chères toutes et tous et l'attente interminable que quelque chose (mais quoi ?) survienne. La plupart du temps, c'est une attente à l'arrêt, à regarder le plafond. Aujourd'hui, ça prendra la forme de cercles concentriques de marches obstinés sur un tapis de deux mètres sur deux ou trois. Quelle vie. Mieux vaut se remettre à l'épreuve de La comédie urbaine arrivée en début de semaine pour revoir le monde en couleurs :

mercredi

Pour lutter contre la sécheresse, la canicule et les réchauffements climatiques en tout genre, rien de tel que de s'immerger dans les profondeurs du temps pour retrouver la Ville d'Is avant, pendant et après sa chute : c'est donc aujourd'hui que paraît La chute de la ville d'Is dans la collection ArchéoSF dirigée par Philippe Éthuin. Quant à l'ambiance musicale, on recommande chaudement The Cure et Robert Smith pour accompagner cette balade sous-marine. Ça tombe bien, le livre de Daniel Bourrion commence à prendre forme (couverture de vous savez qui, quatrième de Philippe Castelneau).

jeudi

À en croire Le Monde, la rentrée cette année serait imprévisible et hors sol. C'est du moins ce que déclare le haut du panier de l'édition. À en juger par les sélections dans la presse mainstream, les valeurs sûres et les grands romans, on a plutôt l'impression d'une rentrée prévisible et sous le niveau du sol mais c'est sans doute une question de perspective et de point de vue. Dans ce même article, revenant sur les mois précédents de cette année à tous les égards bien étranges :

En avril, au plus fort de la crise sanitaire, le monde littéraire s’est fait peur. Dans les maisons d’édition, on s’interrogeait : comment, avec la fermeture des librairies, le télétravail des journalistes, l’encombrement des bureaux de poste, allait-on parvenir à faire recevoir et lire l’ensemble des nouveautés ?

Comment faire, comment faire pour envoyer les nouveautés et les faire lire... Quel casse-tête... Si seulement il y avait un moyen de transmettre des informations, voire même des documents, par voies immatérielles... C'est un problème de R&D, c'est sûr... Il faut mettre des savants sur le coup... La science au secours de l'édition, vite... Quelle tuile, quelle tuile... Ah c'est dommage, c'est vraiment dommage... On n'est peu de chose finalement... Sic.

vendredi

Il faut boucler la newsletter qui sera envoyée mercredi à l'occasion de la parution des Présents. Il faut boucler aussi l'article correspondant pour le site ainsi que le mailing qui partira à destination des libraires. Il faut transmettre les métadonnées des livres qui seront déposées chez l'imprimeur pour épreuve dans les jours qui viennent. Il faut faire le rapport de juillet que je croyais avoir fait début août or pas du tout : celui que je croyais avoir fait début août, je l'ai fait fin juillet, et c'est le rapport de juin, pas de juillet ; logique. Il faut aussi tirer au clair une quinzaine de retours mystérieux, venant d'on ne sait trop où si ce n'est d'Hachette itself, sur des titres soit interdits aux retours (antérieurs à 2018) soit qui viennent de paraître et n'ont même pas eu le temps d'être envoyés. C'est fatigant. Pendant des années lors de nos échanges avec les libraires on a entendu la même chose : il faut autoriser les retours si vous voulez qu'on puisse prendre des risques, pour finalement recevoir des anomalies informatiques et des abus de plateformes dominantes. Sans parler bien sûr de l'absurdité que c'est de faire revenir des livres au pilon après avoir été imprimés à la demande. Il y a sans doute d'autres modèles à inventer d'ici au (ou après le) krach du marché du livre. Que faire ? Est-on réellement englué dans une paralysie totale ? S'en remettre aux pluies de Sébastien Ménard semble un bon début de réponse.

Nous lavons. Nous lavons sans jamais frotter.  Nous lavons grossièrement. À grandes eaux tombe-tombées  trombées de pluie. Nous lavons et nous sommes chargées.  Nous sommes chargées des acides et des errances, c’est vrai.  C’est vrai mais nous portons aussi d’autres énergies, des graines et des signes. Nous lavons les questionnements et nous les faisons luire.

Voilà ce qui nous manque : des énergies, des graines et des signes. C'est certainement pour bientôt.

Quant au carnet de bord, il reviendra sur les ondes du sémillant web deux points zéro mi-septembre.