Carnet de bord 2020, semaine 28 12 juillet 2020 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : antonin crenn, Katia Bouchoueva, Sébastien Doubinsky, Stéphane Mallarmé
publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.
lundi
Roselyne Ba... Non, rien.
mardi
Dilemme mallarméen (cf. épisode précédent du carnet de bord) : peut-on constituer un bouquet de l'absente de tous bouquets ? Pas le temps de vérifier. C'est (déjà) la dernière passe sur le manuscrit de La Comédie urbaine, laquelle comédie va ensuite passer entre les mains de Roxane pour la mise en page avant sa parution en janvier (en ce moment, on est efficace, on est en avance). Pour cette phase-là, je me fais aider par la machine. Elle suggère comme toujours des corrections pas toujours bien appropriées, il faut donc faire le tri. Parmi ses fonctionnalités, on trouve une liste de mots qu'elle considère comme inconnus dans le texte. On devrait toujours définir un livre par le biais de ses mots inconnus. Ce ne sont pas des métadonnées signifiantes aux yeux de l'industrie du livre, et de la chaîne de lui, et pourtant ce sont des informations parfaitement à même de saisir un texte et d'en révéler la couleur. Pour La Comédie urbaine, voilà ce que cela donnerait :
tchock, léchouillages, guévaresque, ectoplasmiques, tou, litérratoure, révolucionarios, extremely, hrmmm, filigraneuses, estupidos, arnarquistas, danyeureux, boutanche, dévénou, youstément, nuestra, baisouiller, bueno, oilleup, policia, mégaphonique, proéminait, limonaderie, bom, sépulcralement, odorifère, clonck, boutanches, seventies, multiperfectionné, bouzoufs, spaceman, autobahn, you, lespri, primitivité, duralex, phénoménologiquement, hougan
mercredi
Une quatrième pour La comédie urbaine ; ça part généralement d'un extrait. Quatre, là. J'ai du mal à choisir. J'ai du mal à saisir un moment qui embrasserait l'ensemble du livre, mais c'est sans doute une erreur. Le livre est triple : trois personnages qui se succèdent, se côtoient, se donnent la main quasiment. Chaque partie est donc centrée sur un personnage et un univers différents, bien que formant un tout cohérent. J'ai isolé quatre passages qui pourraient marcher comme extrait à lire sur une quatrième. Il convient maintenant de choisir lequel. Ce sera le numéro trois. Mais voici l'ensemble de la sélection.
Extrait 1
Pourquoi vous êtes là, les cocos ? nous demande-t-elle d'une belle voix grave. Moi, c'est pour possession.
— Nous, c'est pourr poésia, explique Nando, dont tout le côté droit du visage est mangé par un gros pansement sanguinolent.
— C'est un délit, maintenant ? s'étonne la pute.
Extrait 2
Tu crois que tu vas pouvoir faire l'amour ? me demande-t-elle en se glissant contre moi sous le drap.
— Un poète peut tout faire.
— À part se faire publier.
Extrait 3
Le moment est peut-être enfin venu.
Les Bandits Poètes.
Je vois d'ici les titres dans les journaux.
Pleine page.
Avec nos photos.
Le coup du siècle.
Extrait 4
L'amour, je pensais que ça devait être autre chose. Ça devait monter doucement en vous, comme une bonne mayonnaise. Ça devait devenir comme un virus souche pour un vaccin, indispensable. Ça devait vous retourner comme un gant tous les matins en vous réveillant. Oui, l’amour, ça devait être comme ça. Enfin, c’était ce que je croyais.
Ainsi que la couverture du livre conçue par Roxane :
jeudi
Je n'avais pas prévu de faire une lettre d'info aujourd'hui mais c'est un peu le dernier créneau avant que l'été prenne son envol, mine de rien. On ne publie pas en juillet, on n'aura donc pas d'actualité directe à proprement parler (comme chaque année). Pendant le confinement, nombre d'éditeurs ont annoncé repenser leur programme de publications, notamment pour pouvoir exploiter l'été autrement, et ne pas surcharger la fin du printemps. La suite on la connaît : sous couvert de discours invitant à préserver les libraires et les lecteurs en ne faisant pas la même chose que d'habitude, la plupart d'entre eux a fait précisément la même chose que d'habitude mais en pire, puisque tout s'est retrouvé concentré (le printemps, le mois de juin et les préparatifs de la rentrée) sur quelques semaines. Là, la newsletter, mine de rien c'est un challenge : comment ne pas redire ce qu'on a déjà dit précédemment (mais ce sera le cas, pour faire vivre le plus longtemps possible les parutions du printemps et du début de l'été), comment ne pas faire un énième "que lire cet été" comme dans la plupart des magazines littéraires, comment se renouveler. Je ne crois pas m'être renouvelé. J'ai juste écrit entre les livres comme j'aime le faire. De petits extraits invitant à découvrir par une porte dérobée des écritures, tout en les tissant ensemble de façon fictive, mouvante. Je ne sais pas si ça fonctionne pour celles et ceux qui reçoivent ces lettres. Mais enfin ça fonctionne sur moi, c'est déjà un début.
vendredi
Dans l'édition comme ailleurs, il ne faut pas négliger sa part de rêve. Après tout, le but du jeu ici, c'est quand même de publier en priorité ce qu'on rêverait de lire ailleurs mais qu'on ne lit jamais. Ceci étant, faut-il entendre le mot rêve au sens propre ou au figuré ? Car si l'on suit scrupuleusement les rêves nocturnes, et non les rêveries diurnes, on n'est pas sortis. Celui-là par exemple : c'est un texte très court, moins de trente pages, qu'il faudrait publier très vite. Qu'est-ce qu'on entend par très vite au juste ? Aujourd'hui. Aujourd'hui ? Aujourd'hui. On ne saura pas pourquoi mais enfin, comme le disait quelqu'un, c'est chaud quand même. Mais ça n'a pas l'air de nous effrayer beaucoup. On s'y lance. Qu'est-ce que c'est ? Un western crépusculaire israélien. C'est traduit, mais on ne sait pas de qui. De même, l'autrice ou l'auteur n'est pas indiqué. Et le tout dans un format invendable, comme on l'a vu, dans des délais impossibles à tenir. Littéralement, ça ne fait pas rêver. Et pourtant. Voilà pour l'onirisme. La réalité est ici tout autre : Roxane termine l'epub de Doucement (!) et envoie la V1 de La Comédie urbaine pour relecture. Quant à moi, je suis Chez Prosper avec Antonin. Je lui confie ses Présents, et lui me confie ses projets pour l'année. On perd un peu la notion du temps. Et c'est une belle façon de finir la semaine.