[REVUE DE PRESSE] Malaïgue : poétique, ésotérique, parfois érotique, mystique, mystérieux 23 mai 2018 – Publié dans : La revue de presse – Mots-clés : la saga de mô, malaïgue, michel torres
Merci à Laurent Bouvy pour cette critique à retrouver sur Babelio.
La Méditerranée agonise. Surexploitée, polluée, empoisonnée, elle crache ses gaz, elle diffuse la mort. Un miasme, rose, jaune cache le soleil du sud, intoxique les hommes, faute de poissons et animaux marins qui ont pratiquement disparu. Dans le Sud, c'est la panique. Les politiques ont déserté, les humains les plus faibles se meurent. Mô profite de la panique pour s'enfuir de l'asile dans lequel il est retenu depuis la fin du cinquième tome. de sa cabane il ne reste que des cendres. de son passé aussi. L'étang de Thau, nourricier et source de revenu pour Mô n'est plus qu'une mare poisseuse. Mô n'a pas oublié comment il en est arrivé là. Il se souvient de ses amours perdues, Malika, forcée de se prostituer pour le compte de son frère, que Mô a libérée du frangin proxénète, la pauvre Malika, assassinée par l'oncle fasciste de Mô, puis Liu, la chinoise, que Mô a arrachée à la mafia russe et qui a disparu et enfin Skaoté, la guerrière nordique, accompagnée de son molosse, venu des enfers, Bad ou Fenrir ou Anubis comme l'appelle parfois Mô, elle aussi tuée par des malfrats. Mô pense qu'il porte la poisse aux femmes qu'il aime. Mais Mô a soif de vengeance. Premier objectif, le Corse, le dépouiller et l'éliminer car il est responsable de ce qui est arrivé à Skatoé. Arrivé chez le corse, Mô le trouve mort, tué par le chien Bad. Mais le chien veut aussi assassiner Mô car il le pense responsable de la mort de sa maîtresse. Mô, pour sa survie, doit prendre la fuite, quitter son étang natal qui n'a plus rien à lui offrir. Mô retrouve Liu, sa chinoise, amputée d'un bras, amaigrie, qui ne s'exprime en "franglais", à peine avec une dizaine de mots lancés au hasard de ses humeurs. Il lui reste un espoir, Joëlle, l'amie et parfois plus de toujours et son trimaran. Elle a laissé une lettre à Mô, l'invitant avec Skatoé, qu'elle ignore trépassée, à la retrouver et joindre le ponant et enfin, traverser l'Atlantique. Elle lui donne des rendez-vous dont l'ultime est Gibraltar. Mô et Liu, dans ce Sud ravagé, abandonné, envahi par la folie humaine, la maladie, la guerre civile, vont tenter de rattraper ce bateau de l'espérance…
Ce dernier opus s'ouvre dans un Sud de la France qui n'a plus de charme, qui est devenu apocalyptique. La plume de Michel Torres se veut plus revendicatrice, plus dure. Elle forge un style au marteau pilon, avec des mots qui claquent comme des coups de marteaux mais qui chantent aussi comme une enclume, avec du rythme, de l'harmonie, en cadence comme la fuite de Mô. Avec des mots qui sentent bon les fragrances de la Provence, qui, malgré la violence et le désespoir, restent poétique. La saga de Mô depuis le premier tome est toujours pleine de surprise. Elle prend des chemins inattendus, nous plonge dans les rêves d'enfance de Mô et parallèlement dans ceux de l'auteur, dans les légendes du Sud, dans la mythologie, dans le fantastique. Mais c'est aussi un conte écologique. L'auteur teinte de son amour de la Méditerranée et de l'Etang de Thau toute son oeuvre. C'est poétique, ésotérique, parfois érotique, mystique, mystérieux. La saga crie contre l'injustice sociale, l'injustice des préjugés, l'injustice de la surexploitation, l'injustice de la folie des hommes. C‘est aussi une ode à la liberté, à l'amour, au droit d'être différent, marginal. Ce conte nous dit aussi que quand tout semble perdu, l'espoir n'est pas mort et que tant qu'il y a de l'espoir, il y a de la vie. (Je l'ai volontairement inversé). Depuis la première page de la Saga de Mô, je suis sous le charme de l'écriture de Michel Torres mais aussi de son imagination qui semble sans limite. C'est une cigale qui chante son Sud et qui nous le fait aimer, désirer. Il peint la méditerranée avec ses mots, enchâssant çà et là dans ses phrases de jolis régionalismes dont il faut parfois deviner le sens, au travers des phrases ou que j'ai eu la chance d'entendre là-bas et qui évoque pour moi de bons souvenirs et les amitiés que j'entretiens avec les gens du village où réside ma belle-mère. Ce sixième opus est plus que le dernier de la saga, c'est une apothéose, un bouquet final et peut-être une symphonie inachevée. J'ai adoré cette lecture et je ne peux que vous recommander de vous plonger dans « La Saga de Mô ». Je pense que l'éditeur nous annonce des livres dérivés, consacrés à Malika, Aristide et peut-être, pour ne pas rompre le fil rouge de la mythologie, une sirène… J'en rêve déjà !