[NOUVEAUTÉ] Coup de tête, de Guillaume Vissac 18 octobre 2017 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : adolescence, anne savelli, brigitte célérier, Christine Jeanney, christophe grossi, Guillaume Vissac, Joachim Séné, julien boutonnier, Lucien Suel, temps réel, ville
Initialement publié en 2013, Coup de tête reparait aujourd'hui pour une réédition. Premier roman écrit entre 2006 et 2010 (un journal réinvente d'ailleurs l'histoire de cette écriture pour mieux aborder le texte et/ou en prolonger la lecture), c'est un livre particulièrement important dans mon cheminement. Il est aujourd'hui proposé dans notre format actuel, sous une nouvelle couverture créée par Roxane Lecomte. Ce livre (l'histoire d'un mec qui a perdu sa main et qui veut la retrouver, comme je le présentais à l'époque) raconte la vie fracturée d'un adolescent amputé de la main droite et ses difficultés à vivre l'après du traumatisme. C'est un roman de la ville et de l'impossibilité faite au corps de réellement prendre pied dans le monde, de se trouver une place. C'est aussi une quête impossible qui, parce qu'elle est impossible, rend la démarche du narrateur plus ample que sa vie elle-même. C'est, je crois, ce que j'ai essayé de mettre dans ce roman. Et parce qu'il est difficile pour moi de le présenter ici, je m'en remets à tous ces mots chaleureux qui ont accompagné sa première parution (voir ci-dessous) et dont je remercie encore les auteur.e.s. On peut leur faire confiance. Et je m'en remets au texte lui-même, avec deux extraits lus à écouter en bas de page pour en découvrir la langue et la couleur, à voix haute. Merci, enfin, à vous, nouveaux lecteurs et lectrices, qui permettront de faire vivre à ce roman une nouvelle vie.
GV
Ce roman pourrait, comme le site de l’auteur, s’appeler Fuir est une pulsion. Histoire d’un corps adolescent mutilé. Héros narrateur qui parle d’un membre manquant, main droite cramée, explosée, main fantôme, cartilage palpitant, douleur de l’invisible. Phénomène de « désafférentation ». Il se raconte, jour J et suivants, fuyant la maison, errant dans la ville, (sa) voix off, cut up dans le crâne. « J’étais à deux doigts de tirer la languette Flamby. À deux doigts d’ouvrir l’envers du monde… » Déambulation hyperréaliste sous le soleil. Il rencontre d’autres corps et X aux cheveux bleus, le monstre de son enfance. À J + ?, SDF, il arpente la gare, malade, affamé, dégueu. Peut-être prend-il le train, à la poursuite de sa main perdue, à la poursuite de X ? Le roman se termine trois fois. À la troisième fin, comme sa main perdue, il souffre et sent, absent présent. « Quand on sait pas où sont les trucs qu’on a perdus, on se dit que partout peut se trouver la réponse. »
Lucien Suel, Libération
Note liminaire
C’est pas important de savoir d’où c’est venu ni quelle silhouette j’ai vue, sur quel bitume, et à quelle date, quel âge, et quelle ombre fouettait quelle autre, et dans quel sens, pourquoi. J’étais étudiant et puis je l’étais plus. J’ai écrit ça le long. Le long de moi-même et le long de tous les autres petits trucs que j’ai aussi écrits. Un premier roman, je tiens fort à la formule, qui aurait pu s’appeler, lui aussi, Fuir est une pulsion.
D’abord un corps, l’adolescence sur la peau. Ça non plus, c’est pas très important. L’important, c’est la représentation mentale d’un membre manquant, ayant un jour appartenu à quelqu’un, mais aujourd’hui fourré au fond d’une benne sanitaire d’un hosto tout au nord ou tout au sud de la ville, n’importe quelle ville. Un membre manquant mais toujours là quand même, en sous-sol de soi-même, en surbrillance nerveuse, palpitant fort en permanence. On parle souvent du fameux « membre fantôme » mais qu’est-ce que ça dit de nous tous, au juste, que ces douleurs de désafférentation ? D’où elle sort la poésie qu’on lit sur les boites et notices d’antalgiques ? Est-ce que c’est vrai qu’on peut être, simultanément, en surimpression, deux personnes différentes ? Je crois qu’en fait, j’ai écrit Coup de tête comme j’aurais aimé un jour pouvoir le lire : les yeux fermés et plusieurs fois. Par cœur. Dans des mondes parallèles différents.
J’ai pas compté le nombre de fois où le narrateur dit : « ma main droite », la manquante. Je suis rentré par là, dans sa gorge, pour comprendre quelle voix l’animait et comment elle disait les choses et quel était son timbre. Et parce que c’était un récit adolescent, il fallait que ce soit oral. Qu’on l’entende, aussi, de cette façon-là, cette histoire.
Quand on me demande, comme ça, ce que j’écris, voilà ce que je réponds le plus souvent : c’est l’histoire d’un mec qui a perdu sa main et qui veut la retrouver. J’ai rien à dire de plus. On me répond pas non plus.
Avis & lectures
Un roman complexe par son style haché et protéiforme qui oblige à une lecture attentive, mais un premier roman extrêmement prometteur et parfaitement maîtrisé.
Si toi aussi tu penses que la littérature c’est fait pour bousculer, te sortir un peu de ton confort habituel. Si tu n’as pas peur d’être secoué, emporté par un texte. Lecteur. Fais-moi confiance. Lis. ce. texte.
C’est surtout la longue et lente descente dans la nuit fauve que l’auteur va articuler, désarticuler, émietter, jusqu’à l’épuisement.
Non seulement c'est un livre fort, complexe, dense, mais il possède également une qualité que je qualifierais de morale (oui) et qui me touche au plus haut point : jamais Guillaume Vissac ne cède à la tentation du folklore.
Coup de tête c’est l’écriture de cet écart énorme qui éloigne les hommes les uns des autres, un écart parfois invisible, ignoré, nié, mais dont l’étendue se révèle ici, longée-prolongée de mots, et le vertige sous-tend cette expérience.
On est pris par le temps dilaté par l’écriture, intérieure.
Entrer dans un monde autre, où prenons conscience, une foi de plus, mais radicalement, de notre solitude, de nos rapports aux autres qui nous sont tous étrangers, par nature.
Ce livre a une sale gueule.
Et dans ce livre il y a une écriture.
À écouter
256 pages
ISBN papier 978-2-37177-516-9
ISBN numérique 978-2-81450-646-6
22€ / 4,99€
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