Carnet de bord 2021, semaine 18 9 mai 2021 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Je m'étais dit, cette semaine, tu ne fais pas de Carnet de bord. Pause. Respiration. Mise en jachère du carnet. L'impression d'en venir à me répéter, de faire de la (basse) communication, de n'éclairer ni le débat du livre et des lettres ni les textes sur lesquels je travaille. Et puis j'en suis venu à me dire que l'envie de ne pas écrire de carnet était elle-même un sujet propre au carnet. Cette lassitude est sans doute liée à l'impression de parler dans le vide qui se dégage de cette époque étrange : pas tellement s'agissant du carnet, qui a une audience propre, mais s'agissant de tout le reste. Julie appelant les libraires et les libraires n'étant pas, ou peu, disponibles, voire pas là. Moi envoyant des mailings aux libraires, là encore, à la presse également, complètement tombés dans l'oreille d'un sourd (et là on voit littéralement les statistiques d'ouverture des emails ou de clics nous le dire), ou tentant de déclencher un dialogue qui ne vient pas. La newsletter de mai aussi, que je réécris sur le brouillon de vendredi dernier. Com', com', com'. Que faire pour aller contre ? Peut-être que taire le carnet de temps à autre, ou ne pas lui donner la régularité obligatoire qu'il en est venu à prendre n'est pas une si mauvaise idée que ça...

mardi

Je parle avec Julie de Joël Dicker, point de départ d'un article de Livres hebdo sur les éditeurs indé (quel rapport avec Joël Dicker, on cherche encore). Hier déjà, passant un moment avec Lou, qui est en résidence pas loin, je parlais déjà de Joël Dicker. C'est quoi le problème avec Joël Dicker ? Pourquoi le succès en vient-il à corrompre même les sujets qui en passe par nos bouches ? Je n'ai pas pensé (à Lou) à lui montrer les épreuves de nos titres à paraître à l'automne prochain et arrivées juste mais j'ai pensé à lui parler de Joël Dicker, c'est quand même fou (ça l'est).

 

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mercredi

Il y a peu je repassais en revue mentalement des listes d'auteurs et autrices dont j'avais apprécié les premiers livres, publiés ailleurs il va sans dire, et que j'aurais pu envisager d'approcher dans l'idée de recevoir quelque chose de leur part et il y a avait X ou Y et puis j'étais passé à d'autres urgences, et tout en était resté là. Et là, justement, X ou Y nous envoie quelque chose, indépendamment du fait que j'ai pu penser à son livre bien sûr mais enfin le timing est saisissant. Maintenant, reste à lire le manuscrit proposé et faire l'expérience de la projection (se voit-on dans X mois ou années, ce texte-là, devenu livre, le porter ?). Car l'édition est un temps long, comme on le dit souvent, et voilà que j'en mesure l'épaisseur : par exemple Lent séisme, qui paraît aujourd'hui, cela fait plus de deux ans que nous l'avons reçu au stade de manuscrit. Bien que nous n'ayons pas chômé, ni elle ni nous, ces deux ans sont passés en un battement de paupière.

jeudi

Voilà que nous nous retrouvons, avec Antonin, virtuellement à Nanterre, pour l'occasion du séminaire organisé par l'université, donc, de Paris-Nanterre, intitulé "Les marges sont-elles vraiment le centre ?". Nous sommes là (façon de parler) sur l'invitation de Rodolphe Pérez, de l'université de Tours, pour disserter sur les dispositifs médiatiques autour du livre : réflexions sur les enjeux numériques de la création littéraire. Nous parlerons d'écritures hors du livre, ou le débordant, notamment sur le web et je note cette façon de caractériser le site d'Antonin : une autoblographie en toile, heuristique sans doute. C'est un bon moment. Peu après, Antonin nous écrira la chose suivante, que je me permets de reproduire un peu sauvagement ici : Sur l’image / la mise en scène (ou pas) de soi : vous avez remarqué la même chose que moi ? Au moment où tu fais cette comparaison, Rodolphe, entre la présence physique (la mienne) et l’imprésence de Guillaume sur son site, j’ai regardé nos images et ça m’a frappé : mon écran est face à la fenêtre alors j’étais dans la lumière ; Guillaume était une silhouette à contrejour. Si on avait voulu le faire exprès… ! Que de mise en scène. C'était une rencontre éphémère : il fallait être là à l'instant T, pas de possibilité d'y accéder en replay ainsi que l'indique Rodolphe, que je cite également : tout cela est pour toujours perdu dans l'épiphanie d'une jouissance de l'instant. Mais quelques fois, c'est bien aussi l'éphémère. Et il faudra nous croire sur parole quand on dit que c'était bien.

vendredi

Cette photo revient de temps en temps dans les flux dématérialisés des réseaux dominants. Elle est ici postée par Amanda Lees et j'en ignore la source. Il est dit qu'elle concerne les bureaux de la New York Review of Books et il y a fort à parier que la plupart des rédactions (culturelles ou non) ressemblent à ça, ce qui a tendance à décourager un peu le moindre envoi presse. D'autant qu'une nouvelle fois (car ça s'est déjà produit par le passé), l'un de nos destinataires, qui croûlent sous les SP, nous indique n'avoir pas reçu le nôtre, parti il y a plusieurs semaines. Bien sûr que des râtés postaux existent, et c'est sans doute le cas ici. Mais ils tendent à se produire surtout pour celles et ceux qui reçoivent beaucoup. Après tout c'est humain : plus on reçoit, moins on est en capacité d'accorder son attention à ce que l'on reçoit. Mais ça n'aide pas à rendre cette activité moins pesante. Notons que le problème ne se poserait pas de la même façon avec des SP numériques, qui ne coûtent rien à envoyer, et demandent nettement moins de temps et de manutention. Mais la plupart des journalistes ou recenseurs ne lisent pas en numérique (on cherche toujours à comprendre pourquoi) et ceux qui le font, sans surprise, tendent à prioriser les SP papier qu'on leur envoie, ce qui nous amène finalement à envoyer le livre imprimé la fois d'après. Et comme personne n'ose vraiment impulser la révolution presse du tout numérique pour ne pas ruiner ses chances de parution, rien ne bouge vraiment. Il y a sans doute matière à repenser notre approche. Peut-être faut-il s'abstenir de tout envoi sauvage et être plus dans la proposition (mais c'est déjà ce que nous avons fait il y a mille ans, avant d'en revenir). D'ailleurs le même encombrement se joue dans les boîtes mails que sur les bureaux de la New York Review of Books. C'est donc moins un problème qu'un symptôme.