[REVUE DE PRESSE] récit initiatique, légère mélancolie et sens de la dérision (Étienne Ruhaud, Diérèse) 26 avril 2021 – Publié dans : La revue de presse – Mots-clés : , ,

Merci à Étienne Ruhaud pour cette note de lecture parue dans « Diérèse » 80, hiver-printemps 2021, à retrouver ici-même.

D’Ernest Hemingway à Pierre Bergounioux, nombre d’écrivains ont écrit sur la pêche. Co-parolier du groupe « Le manque », acteur occasionnel, auteur de plusieurs recueils, le Chartrain Christophe Esnault parle de son jeune âge au prisme du passe-temps, racontant avec justesse ses parties de canne à travers une série de vers libres, merveilleusement lisibles, limpides comme l’eau claire. Le poème est d’abord géographique, visuel. Comme Gracq, C. Esnault décrit les lieux avec la simplicité, la dextérité d’un amateur chevronné. Retombant délicieusement en enfance,  nous l’accompagnons ainsi dans ses excursions braconnières, au milieu des champs, sur les ponts, en bord de Loire lorsqu’il attrape différentes espèces de poissons, du méchant silure, catastrophe écologique, aux petites perches arc-en-ciel sautillantes (p. 16). Car sous la plume se dessine, au fil des textes, un récit initiatique, marqué par la naissance du sentiment amoureux, des premiers émois sexuels, déclinés en souvenirs extrêmement précis, quand des livres pornos échangés à la sortie de la messe (p. 28), on en vient à la réalisation concrète, et ce après de nombreuses tentatives infructueuses. Prendre des poissons, oui, mais aussi prendre des filles, si on peut dire sans choquer la gent féminine. Nulle misogynie, puisque C. Esnault se fait alors lyrique, passionné : Elle avance dans la rivière en remontant sa robe/Vous avez dormi dans le camion la porte ouverte/L’ombre du petit pont de pierres/Tombe sur le ruissellement/Un tissu féérique sur ta pupille/Éblouit par les reflets (p. 103). Ainsi s’achève ce petit livre, aussi sensible que vrai. Une légère mélancolie, un parfum de nostalgie, baigne le tout. Très présents, les souvenirs semblent également lointains, perdus dans la brume des canaux. Omniprésent, l’humour, le sens de la dérision, de l’autodérision, ouvrent à une sortie vers le rire, ou plutôt le sourire. L’intéressé n’hésite pas ainsi à nous raconter des épisodes peu glorieux, mais drôles, tels de petites saynètes tragi-comiques : Quand ton père a invité le curé/Et qu’il y a un asticot dans la salade/Plus précisément dans l’assiette de l’invité/Tu es injustement suspecté/Toi et tes boîtes à appâts/Et ta mère va mourir de honte/Par ta faute (p.50).

Édité chez publie.net, orné d’une belle couverture créée par la poétesse Aurélia Bécuwe, L’enfant poisson-chat, qui porte un titre programmatique, n’est pas sans rappeler Auberge de la tête noire, lorsque P. Sanda se raconte, à travers une série de textes en vers narratifs.