Carnet de bord 2021, semaine 14 11 avril 2021 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : , , , , , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

J'ai bien failli ne pas mettre en ligne le carnet de bord de la semaine 13 ; à la place, j'ai fait des trous dedans. Ce n'était pas très intéressant, ni très inspiré, c'était répéter des choses déjà dites plein de fois. C'est le problème quand on tâche de documenter sur le vif des pratiques ou des actes qui sont en fait assez cycliques. Bien que chaque livre soit différent, le processus visant à le faire advenir au fil du temps est lui toujours grosso modo le même. On en passera sensiblement toujours par le même schéma, qui va de la sélection du manuscrit aux efforts de relation presse et libraire en passant par le travail sur le texte, les corrections, les recherches de couverture et de mise en page, et autres diverses micro-tâches que ce carnet recense allègrement. Et puis, tout simplement, il y a des semaines un peu sans, où on a le sentiment que l'écriture n'est pas là, quand bien même on la force. Cela passera, comme tout passe. Et ce matin, l'écriture est là, le brouillon de la newsletter (ou infolettre en bon français) est lâché en quelques vingt minutes chrono quand parfois ça me prend deux heures, c'est ainsi. Ce sera sous la forme d'un genre de test de personnalité car :

A) C'est ludique.

B) Cela permet de faire passer très simplement des messages clairs.

C) Ça change.

D) Ça me rappelle ce livre d'Alejandro Zambra (Fac-similé, paru chez Zinnia).

E) Tout cela à la fois.

mardi

Il faut avoir un sacré self control pour tolérer les caprices de la machine. Que pour une raison inconnue de soi quelque chose d'aussi basique que d'imprimer une planche d'étiquettes via un modèle libre office utilisé depuis des années sans le moindre problème se mette à dysfonctionner et faire planter tout. X reboots plus tard, on en est toujours au même point, si bien qu'on en viendra à passer plus de temps pour imprimer ces foutues étiquettes que si on s'était chargé d'écrire les adresses soi-même sur l'enveloppe selon la bonne vieille méthode de la graphie manuscrite. Il faut en passer par un fichier plus ancien, le remettre à jour avec le bon logo, la bonne adresse, relancer tout, échouer encore, échouer mieux, tenter de l'ouvrir via Pages mais renoncer devant l'incompréhensible inaptitude de Pages à gérer les modèles d'étiquettes pour du publipostage, puis revenir piteux vers Libre Office, constater qu'il faut en réalité, pour ménager le moindre changement sur l'étiquette mère attendre trente secondes par caractères au bas mot, retaper son adresser lettre par lettre, corriger mille fois à cause des bugs et des lenteurs, imprimer, échouer encore, exporter en PDF puis imprimer, et alors là ça fonctionne sauf que cette fois un léger décalage de marge s'induit dans le processus ruinant de fait la moitié des étiquettes qui seront imprimées entre deux plages autocollantes et alors là n'en jetez plus, c'est bon, on abandonne, on met l'ordinateur dans le placard (véridique) et on le laisse ici, des fois qu'il serait puni, et on écrit nos trucs à la main, et on part les poster en ayant perdu quoi, une heure de temps à ne pas vouloir les écrire pour finir par les écrire ? Bref, ce self control nécessaire sans doute à la gestion des aléas du cosmos et des énergies de l'édition, probablement qu'on ne l'a pas.

mercredi

Les ventes Hachette d'avril 2020 étaient à l'époque tellement sinistrée (et pour cause, toute la chaîne de distribution était alors à l'arrêt) qu'en un jour, dans nos comparatifs de vente 2021 VS 2020, nous sommes passés du négatif (plus de retours que de ventes) à l'équivalent de plus de 50% des ventes du mois total de l'an dernier. Les parutions de printemps quant à elles arrivent à maturation et, donc, sont en situation d'être cueillies : parution des Voix du temps aujourd'hui et envoi de l'infolettre à choix multiple pour répandre la bonne nouvelle à tout va. Mais j'ai fait une erreur dans la date de sortie de La vie des termites qui paraîtra le 21 et non le 24 avril (imaginons des hordes de termiteux et de termiteuses déboussolés par la disponibilité du livre trois jours plus tôt qu'annoncé, déambulant désorientés dans les rues). Au-delà des termites, deux de nos prochains titres à paraître en septembre prochain commencent à prendre forme sinon humaine du moins livresque :

L’une d’entre nous a fui. L’une d’entre nous a profité du sommeil de l’homme pour partir. Nous étions alors toutes cette fille qui fuyait comme une bête.

Qui qu’elle soit, d’où qu’elle vienne, elle doit maintenant s’en sortir seule. La voici en proie aux violences de la ville, à l’ivresse, à la prostitution. Dans la rue, tout est à réapprendre : comment interagir et avec qui, où se trouver un abri, comment s’alimenter, savoir se tenir chaud... Les regards se posent sur elle, certains plus à craindre que d’autres. Son nouveau territoire se dévoile. Jusqu’où peut-il s’étendre ? À la rue ? Au quartier ? Au monde dans son ensemble ? Si jeune et déjà sa survie se joue là, sous des yeux qui savent ne pas la voir. Mais aussi la vie tout court, soufflant le chaud et le froid, l’extase et le dégoût, l’angoisse des nuits et la beauté de l’aube, chaque jour recommencée.
En quelques deux cent pages d’une rare intensité, Fanny Garin parvient à nous remettre le cœur à sa place.

mais pour moi tu n’es pas morte
David Bowie est mort
Leonard Cohen est mort
ma grand-mère est morte quand j’avais dix ans
toi ce n’est pas pareil

jeudi

C'est facile de se moquer de Gallimard (mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas le faire) :

Suite à quoi, Daniel 'Robert Smith' Bourrion himself nous propose une petite plongée dans le futur de la sélection de manuscrits en maison d'édition :

En imaginant qu'un jour, les "grandes" maisons d'éditions se modernisent (enfin, viennent à vivre dans leur siècle) et donc se retrouvent sous un flot de manuscrits arrivés par mail, je fais quelques remarques au débotté et pose une question :

Remarque 1 : il est tout à fait envisageable d'avoir des outils de gestion de workflows de manuscrits mailés (et donc de gagner du temps dans cette gestion) ;

Remarque 2 : on peut du coup envisager aussi des réponses (entendre, des refus) encore plus rapides (ami.e.s écrivain.e.s, attendez-vous comme moi à des bons vieux mails de "oui mais non" bien standardisés qui grattent) ;

Remarque 3 : cette dématérialisation de la gestion des flux de manuscrits est logique - et en envisageant ainsi le traitement de cette matière première, on en montre du coup ce qu'elle est aussi : un flux industriel, comme de la gestion de PQ ou de pommes de terre.

Et la question : dans une optique de traitement dématérialisée des manuscrits, combien de temps faudra-t-il avant que le premier tri (j'imagine, le plus massif en volumétrie) se fasse via une IA ? (avec la question subsidiaire : quels seront les critères de l'IA et/ou comment sera-t-elle entrainée, i.e. sur quels corpus ?)

vendredi

De retour (et enfin) dans un texte mouvant, c'est-à-dire encore ouvert à la métamorphose, non fixé dans son flux de livre à venir. Pour ce livre, quel qu'il soit, je m'en vais vérifier le genre de chiotte (ah, tiens). Je commente en marges jaunes en faisant commande alt C. Je note des choses pour moi, par exemple : ça ne fait pas de fait avancer l'intrigue mais c'est bien. Aussi : des suggestions de coupe. Aussi : des envies de fusionner des chapitres. Et le plaisir de lire une langue belle, vive, vivante. Mais attention. Attention, dans un autre genre de fichier aux dangers non de la lecture mais du tableur aux fines lignes : à trop rapidement loucher de l'une à l'autre, les conséquences peuvent être irrémédiables (et par exemple d'heureux, un homme peut devenir dans l'instant couvert de fourmis).