Carnet de bord 2021, semaine 8 28 février 2021 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Les relectures de textes ArchéoSF sont souvent l'occasion de porter sur notre époque, ou sur notre, disons, régime, des regards candidement douloureux. Par exemple ici, dans le livre d'Edward Bellamy à paraître dans quelques mois (et où par ailleurs on découvre que bien des sujets d'actualité sont déjà présents, du revenu universel aux cours en distantiel sur Zoom, ou quasi : quand nous nous assemblons maintenant, nous pouvons nous disposer d’apporter nos corps) :

(...) si je comprends bien, ce gouvernement de capitalistes non seulement ne comportait aucune sanction morale et se trouvait dénué de toute intention bienveillante, mais il ne donnait en somme que de mauvais résultats au point de vue économique, et il n’assurait aucunement la prospérité du peuple. (...) Il doit sûrement y avoir une raison quelconque que vous avez laissée dans l’ombre. Il doit tout de même y avoir une explication, ou tout au moins une excuse, à l’étrange conduite de ce peuple, qui non seulement abdique tout contrôle sur ses intérêts les plus immédiats, mais remet  délibérément la gestion de ses intérêts à une classe qui avoue ne se soucier nullement de son bonheur, et dont le gouvernement le plongeait dans une misère continuelle.

Puis, plus loin :

Autant que je peux en juger, dit Edith, toute l’occupation au gouvernement consistait à lutter contre le chaos social, et ce chaos ne résultait que de l’absence d’une organisation basée sur la justice.

Précisons que dans la fiction, qui se déroule dans le futur de l'an 2000 (imaginez un peu), tout cela n'est plus d'actualité. Nous voilà rassuré quant à notre présent.

mardi

Deadline  a un côté un peu anxiogène. Le mot, je veux dire. Et puis d'abord, la mort de qui ? La ligne de quoi ? Et où ? Mais échéances, ce n'est pas beaucoup mieux (c'est le vocabulaire des comptes et des factures). Je n'ai pas d'autres mots à proposer, et tâche semble bien sale, malgré l'accent circonflexe un peu fêtard. Mais ce n'est pas en supprimant le mot qu'on supprimera la chose. Des échéances il y en a, et quelque part tout est échéance. D'une relecture à finir dans les temps à un passage sur un manuscrit à retravailler au moindre mail à répondre. Sans oublier, bien sûr, la date limite (ce pourrait être ça notre mot, non en un mais en deux, date limite) des commissions d'aide du CNL. Je reçois le numéro d'un dossier que je reporte dans un envoi à faire et à poster, donc, ce matin. Je mets mon propre mail dans la machine pour recevoir moi plutôt qu'eux les notifs et savoir : savoir quand ce sera reçu, et d'ici-là où c'est (plus ou moins). Je n'en suis pas à suivre en temps réel le facteur sur une carte, du reste la Poste ne propose pas ce service que d'autres transporteurs et/ou applications trouvent naturels de proposer. Je préfère suivre en temps réel de ma lecture ce personnage traversant d'un bout à l'autre cette deuxième version de La porte de La Chapelle, de Fanny Garin, que nous publierons à la rentrée. Il n'y avait pas beaucoup à reprendre, juste à clarifier certains passages, rendre des articulations plus fluides, huiler donc les rouages. Les rouages sont huilés. Ça coulisse mieux. On est dans le texte comme on est avec ce personnage, reflet aussi de mille autres. C'est ma troisième lecture du manuscrit, ce qui est à la fois peu dans la vie de construction du livre (des relectures encore, il y en aura d'autres) et beaucoup. Beaucoup, parce que la majorité des lectrices et lecteurs ne liront ce livre qu'une fois (c'est le jeu) : comment donc me mettre dans la peau d'un lecteur qui le découvre quand moi-même je ne le découvre pas (ou plus) ? Comment recréer les conditions de la découverte ? Il faudrait pouvoir appuyer sur une touche reset de la mémoire de nos lectures ; mais alors, si on faisait ça, on se priverait de toute la profondeur d'un texte qui ne dévoile jamais autant ses secrets d'architecture qu'à mesure qu'on se replonge en eux.

mercredi

Il a fallu corriger de menues choses dans le disque Climats (musique, visuels), c'est donc redéposé. Entre-temps, les hiboux sont revenus dans les timbres (cf. épisode 7) mais bien entendu je n'en ai plus besoin. En plus, j'ai confondu rhinocéros et hippopotame (ça arrive)... Avec Roxane, nous échangeons en live sur la couverture de La porte de La Chapelle qui avance petit à petit et ce sera leaké sur les réseaux sociaux figurez-vous.

Il faut donc s'imaginer le dialogue : là c'est trop sombre, mais là c'est trop clair, et c'est une lutte acharnée (en fait non, nous travaillons en bonne intelligence comme on dit, enfin je crois) entre la patience de la graphiste et l'insatisfaction de l'éditeur. Ça va le faire. On se rapproche. Et puis parfois, il faut dormir dessus. Aller Jusqu'à plus loin puis en revenir. Ça tombe bien, le livre de Romain Fustier paraît aujourd'hui.

jeudi

Les petites bêtes sont prêtes pour la couverture de La vie des termites.

J'écris dans un mail que niveau facturation, il ne nous reste plus que tant de jours pour égaler 2020 (comprendre donc faire le même chiffre que février de l'année dernière). Après, en revanche, difficile de savoir ce qu'il va advenir : notre mois de référence de l'année d'avant sera déjà impacté (sic) par le covid. Nous ignorons également ce qu'il va se passer sur le terrain des aides gouvernementales (dont nous pouvons bénéficier, parfois pas, cela dépend de notre chiffre d'affaire) : à partir de mars, nous ne pourrons plus prendre le mois de l'année précédente comme référant normal de notre activité, et on ne sait pas comment les règles vont évoluer (se référer à 2019 encore ?). Ah, si on nous avait dit qu'un an plus tard on en serait toujours covidiquement au même point... L'autre jour, durant une conversation par Zoom, pour un projet qui se destine à une parution au printemps 2022, je disais j'espère que d'ici là on pourra envisager de nouveau des rencontres, des évènements, etc. On en est tous là.

vendredi

Le brouillon de la newsletter, il faut que ce soit fait en une fois et l'écrire vendredi, de préférence entre 13h30 et 14h (ne me demandez pas pourquoi), pour ensuite pouvoir l'oublier tout un week-end, le relire le lundi, tout changer ou presque, le faire lire à l'équipe, changer encore de petites choses d'ici au mecredi où le mail part via la petite application des envois chimpanzés. Voilà qui a le mérite d'être encadré, et c'est un stratagème : toute contrainte est bonne pour m'éviter de regarder dans le vide pendant des heures en me demandant ce que je vais bien pouvoir y raconter cette fois. Et comment.  Ce qui ne nécessite pas de regarder dans le vide, en revanche, c'est le bouclage de deux des trois manuscrits de la rentrée : La porte de La Chapelle, donc, dont je relis ce matin les dernières corrections et bribes de réécriture, et Perdre Claire, de Camille Ruiz, qui lui est prêt depuis un peu plus longtemps, merci aux relectures et aux yeux de Christine et Arnaud, mais où il a fallu régler quelques petites questions de dernière minute quant à l'architecture de l'ensemble et des photos (puisque photos il y a, mais aussi absence de photos, enfin je me comprends, c'est l'essentiel). Nous avançons.