[NOUVEAUTÉ] Jusqu'à très loin, de Romain Fustier 24 février 2021 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : ,

La terre ! Mais la terre, c'était hier. Oui, mais notre cycle de poésie terrienne (ou terrestre) se poursuit, toujours dans la collection L'esquif dirigée par Jean-Yves Fick et Virginie Gautier, toujours sous la forme du recueil dont la nature semble aussi lorgner vers l'appel d'air. Partir. Dans ce livre de Romain Fustier, que nous sommes très heureux de retrouver après son Boîte automatique du crâne en 2009, il y a soif de mouvement. D'aller outre. De bouger le long des routes, des villes, des collines et des pays. Pour faire de sa poésie du lieu et de l'espace une parole irriguée (et irisée) par le désir amoureux. Formellement, son livre se présente sous la forme d'une succession de poèmes carrés dont chaque scène est aussi une séquence, en tout cas une sensation nouvelle, dans l'énergie du voyage, dans l'étape du déplacement. De petites constructions Polaroïd, développant comme dans les extraits ci-dessous, et dans l'enchaînement des tirets cadratins (Seb Ménard n'est pas loin) des concaténations de regards, d'instants non pas mis dans le même sac mais dans la même secousse. À le lire, nous sommes sur les routes, nous sommes dans les escarpements, nous allons vers l'eau des lacs. En ces temps que l'on sait, ce n'est pas rien.

deux extraits

penses-tu que oui – que déjà nous – futaies de hêtres de chênes – ces quelques jours oublier leur disparition vite – se détachent de nous les escarpements rocheux se détachent – et ces lacs que j’aurai seulement rêvés ces lacs que – mes plantations de résineux mes surfaces boisées – je les conserve en moi les sols acides – je retrouve je reconnais – pins de l’oregon leur bois rose saumon – se présentant de nouveau ce que je n’ai pu qu’imaginer avec – les troncs ces camions les transportant aux usines

*

la mer avec toi je te rejoins – l’ensemble portuaire le boulevard nautique – sans clapotis l’étang qui – un plan d’eau les canaux qui s’en détachent – les marinas tu me – l’esplanade ton corps sera tellement – les huit kilomètres de plage je les devine – comme je revois filer ce rat d’égout nous l’avions aperçu sur un quai – dans cette autre ville du sud où nous marchions c’était la nuit – reviendrons à la joie si tant est que oui

 

tu m’embrasses me questionnes – sondant mon cœur as-tu aimé te balader dans un jardin avec moi – ta gentillesse les bœufs blancs qui paissent en paix dans le bocage pour nous y rendre – tes pas parmi les fleurs les fleurs parmi tes pas – tu étais un théâtre de verdure au milieu des marais une chambre avec son théâtre de verdure – étais bordée de sentiers tu bordais les sentiers – étais quinze hectares dans quinze hectares un labyrinthe dans le labyrinthe – tes lèvres sur ma tempe les viviers de ta voix en secret

« Tu emmènes mon corps jusqu’à très loin », dit le poème, qui égrène en une suite de strophes une histoire d’amour adressée, en divers lieux traversés où l’autre n’est jamais dissocié du paysage.
Un poème en prose à la façon d’un journal, pour dire les lieux que l’on conserve en soi, ces condensés de temps et d’espace, des départs, des voyages car le regard y est mieux aiguisé – dans cet ailleurs, ce qui fait l’éclat d’un amour, d’un geste, d’une parole subtilement s’accroche.

 

152 pages
ISBN papier 978-2-37177-608-1
ISBN numérique 978-2-37177-249-6
15€ / 5,99€

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