Carnet de bord 2019, semaine 23 10 juin 2019 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , , , , , , , , , , , , ,

publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Je parle avec une plateforme. Je veux dire, elle me parle, elle, mais moi j'ai toutes les peines du monde à la comprendre (et à me faire comprendre). C'est l'heure du dépôt des dossiers pour la demande d'aide du CNL et cette interface (c'est d'elle dont il est question) me mélange les pinceaux : toute une partie des données enregistrées l'autre jour n'ont pas été sauvées, il faut donc les saisir à nouveau, et si tu passes trop de temps sur une même page sans rien faire (comprendre, à remplir les champs sans sauvegarder), tu es déconnecté d'office. Alors il convient de sauvegarder frénétiquement toutes les X minutes. Mais tout va bien, on va finir par s'en sortir. L'autre truc à faire absolument aujourd'hui : préparer le stock pour le Marché de la poésie qui commence mercredi. J'ai déjà écrit ici, avant Montpellier, que ça consistait à déplacer des livres d'une caisse en plastique à une autre, c'est exactement la même chose ici, sauf qu'au lieu de prévoir une centaine d'exemplaires, comme pour la Comédie du livre, on en prévoit grosso modo trois fois plus (le marché dure cinq jours). C'est donc aller et venir entre les piles avec un papier à la main, plein de ratures ce papier, pour se confronter aux plans initiaux et à la réalité. Par moments il est écrit que certains exemplaires doivent être récupérés chez Philippe. D'autres fois, je passe un temps fou à les chercher tout en n'écoutant pas une émission de radio qui parle autour de moi mais jamais réellement à moi. C'est comme ça. Et, à choisir, j'aurais autant préféré faire toute cette gesticulation dans un contexte de touffeur et de moiteur moindre (il a fait très chaud à Paris ce week-end, et aujourd'hui aussi). Regardé la météo justement : il pleuvrait grosso modo un jour sur deux, ce qui est finalement business as usual. On espère surtout qu'il ne pleuvra ni pendant l'installation ni pendant les lectures au jardin du samedi.

 

mardi

Alors que revoilà le rapport du mois précédent !

Il faut que je contextualise certaines choses à l'équipe, notamment que la comparaison VS 2018 n'est pas très signifiante : l'an dernier, nous n'avions pas de stand à la Comédie du livre et surtout, les ventes réalisées par Sauramps n'avaient été comptabilisées qu'assez tard et étaient passées sur juin. La représentation qu'on tire d'une période donnée n'est jamais neutre, il faut se méfier des chiffres. Idéalement, on trouverait un autre indice de satisfaction que des ventes. Je ne sais pas, la courbe de bonheur dans le cœur du lecteur ? Nous n'avons pas de données pour ça (tant mieux). Ce fichier, je le compile au moment où je me dis si je ne le fais pas maintenant, je n'aurai jamais le temps de le faire avant perpète. C'est arrivé juste après un échange de sms où je demanderai à Julie si elle n'a pas trouvé, chez Philippe, une feuille de papier gribouillée avec le stock dessus (mon papier d'hier). Suivi d'un autre message un peu plus tard dans l'après-midi : je l'avais retrouvé dans ma poche... Un peu plus tôt dans la journée, je suis allé donc l'attendre (Julie), qui logera chez Philippe pendant le marché, qui lui ne rentre qu'en fin de semaine, d'où ma présence pour lui laisser la clé et, donc, croire que j'avais perdu ma feuille alors que non, feuille sur laquelle il est écrit en bleu turquoise, sans aucun rapport avec ce qui nous intéresse ici, le silence est germinatif (il l'est). Quant à elle, elle sort juste d'un drôle de périple après un assaut dans le TGV après Bordeaux d'un groupe de manifestants venus monter sur Paris (sic) qui tiendront absolument à partager leurs victuailles : et goûtez donc mon vin, et goûtez donc mes rillettes, et goûtez donc mon camembert, le tout à dix heures du matin (le rêve). Suite à quoi c'est le moment dans un film de super héros où les personnages principaux (c'est-à-dire nous) font le plan d'action des jours à venir, lesquels ne manqueront pas, comme ici assurément au marché, de ne surtout pas se dérouler comme prévu. Une première étrangeté cette année : sur le parvis de Saint-Sulpice, il faudra démonter les stands qui s'y trouvent le vendredi soir pour qu'un pèlerinage puisse avoir lieu (peut-être que les pèlerins passeront acheter des livres de poésie ? non). Un financement participatif est ouvert pour aider le Marché à supporter ce coup inopiné. Quand soudain, message cryptique de Roxane : les quatre mères ont été remises à Julien... (Il fallait bien sûr comprendre les quatre exemplaires de M.E.R.E). Quant à moi, j'envoie l'un de ces mails qui commencent (et finissent) par je n'ai pas eu le temps de..., ce qui est toujours horripilant à recevoir (à envoyer aussi), alors je me dis qu'il faudrait mieux gérer mon temps (ça ne fait que quatre ans que je me le dis), par exemple : pourquoi je rush comme un petit fou à entrer les livres manquants dans l'application liée au terminal de vente alors que, demain, on va rester là à attendre le quidam pendant mille ans avec Julie ? Je le ferai donc demain, et ça ne s'appelle pas procrastiner mais gérer mieux mon temps, oui oui.

 

mercredi

Premier jour de Marché de la poésie. Je retrouve Julie place St Sulpice et là, bien que le site de Météo France indiquait tout à l'heure que les chances qu'il pleuve dans l'heure étaient égales à zéro, il pleut. Julie a déjà déposé une partie des affaires en arrivant et est allée chercher nos badges à l'accueil (badge que chaque année je persiste à oublier de rendre à la fin, ce sera mon challenge dans cette édition 2019 que d'y penser). Le montage en lui-même va assez vite, sauf qu'il y a des questions de logistique qui se posent, alors avec Julie on fait du Tétris de table puis du Tétris de nappe avant de disposer les livres en piles (si possible) aérées. Le problème, c'est qu'il nous manque des trucs. Là, les parois de notre stand, qui sont traditionnellement recouvertes de tissus, laissent un trou d'un mètre sur deux où c'est du placo à vif (c'est moche). On doit donc aller emprunter un tissu gris à mettre à la place à un éditeur voisin, qui nous prête aussi son agrafeuse de choc, que dans ma tête je persiste à appeler arbalète (c'est pas ça). Je demande à Julie à qui il faudra rendre tout ça : un monsieur avec des cheveux blancs et une grande barbe (soit le portrait robot des trois quarts des éditeurs de poésie, nous voilà bien). Il a aussi fallu aller quémander une table surnuméraire à l'organisation du marché. Et puis fatalement j'ai oublié des trucs. Pour fixer l'affiche des dix ans (une fois qu'on a eu dix ans une fois, on a le droit d'avoir dix ans pour la vie). Pour éviter que la nappe soit soulevée par le vent. Ce genre de choses. Je file donc faire un aller-retour en métro jusque chez moi pour récupérer les petits bidules qui tiennent la nappe (ça porte un nom ?) que je mettrai un certain temps à trouver (restées dans ma valise après Montpellier). De retour sur le stand pour une première vente alors que la marché n'est pas encore officiellement ouvert, de quoi augurer d'une journée exceptionnelle ! En fait non. C'est qu'il pleut. Et non seulement il pleut mais on peut même dire qu'il pleut toute la fucking journée. L'eau de partout ruisselle, il faut veiller à ce qu'elle ne gagne pas les livres. Il faut aussi lutter contre la rebication (c'est le terme technique approprié, je pense) des couvertures qui commence. Dans les allées, un auteur parlant au téléphone : vous allez voir, j'ai fait quelque chose de sublime... On ne saura pas la suite. Et puis là, une cliente à un stand voisin, après avoir écrasé son mégot juste devant le nôtre sans prendre la peine de le ramasser ou de le jeter : alors moi, je suis contre les déchets. Quand soudain : Fred Griot qui me salue et je relève la tête du carnet sur lequel j'écris quelques uns des ces mots et il me dit finis d'abord ta phrase, et je le fais. En définitive, nous vendons deux livres, ce qui, si je me reporte aux archives, est la norme pour un mercredi. Gasp. Pendant un moment, il y aura tout un bins lié à l'application de facturation qui est couplée au terminal carte bleue : impossible de se connecter. Soit il fait trop moche pour capter la 4G soit, dit Fred, c'est une tempête solaire. On est transi de froid. Il fait 14°. L'humidité nous attaque par les pieds. C'est sans doute ça. Une fois l'application relancée et re-relancée, le jus revient mais les livres enregistrés hier manquent à l'appel. En fait, le système s'est réinitialisé sur le salon de L'autre livre de novembre dernier et tous les titres ajoutés depuis (y compris ceux que j'ai intégrés pour Montpellier) n'y sont plus. Heureusement que je n'ai pas tout fait hier, puisque de toute façon il nous faut tout refaire avec Julie : elle me liste l'ensemble des livres présents sur table et je rajoute le tout sur l'écran de mon tel. Ça nous occupe pendant que la pluie tombe et fait des flaques qui pèsent sur le toit de certains chapiteaux, voire parfois s'infiltrent et suintent à l'intérieur des stands (mais pas chez nous). On croise aussi des clients avec des idées bien précises : ici quelqu'un qui voulait un livre en rapport avec les champignons car ses lectures sont des lectures à contrainte (!). Elle trouvera son bonheur chez Artgo, avec qui nous partageons le stand, et à qui j'explique cette curieuse démarche. Ah, mais on a un livre sur les champignons que je n'ai pas mis sur table ! Vite, je fais essayer de rattraper la personne ! Julie : le carnet de bord s'écrit tout seul (c'est le cas). Puis, devant le marasme économique que représente un mercredi entier passé ici pour vendre une poignée de livres, tout le monde se toise du regard pour savoir si on ne fermerait pas plus tôt. Passé une certaine heure, et un certain volume d'eau de pluie, les allées se sont vidées, la lumière est partie, et il est loin le temps où Julie me disait, en milieu d'après-midi, en fait, ça passe vite. Comme chaque année, on a le sentiment que le marché ferme plus tard que les années précédentes mais non, c'est bien toujours 21h30 (ça fait tard). Là, tout le monde aura plié vers vingt heures, après qu'on aura constaté que le marchand de vin a lui même fermé boutique. Si même lui a renoncé, c'est que ça ne sert à rien de rester plus.

jeudi

Pour les livres, la lune c'est pire que le soleil. (Proverbe anonyme)

Deuxième jour, il fait beau. Quand le soleil tape sur les petits chapiteaux, on a trop chaud et on enlève les pulls. On peut donc se rendre compte qu'on a mis ce matin un vêtement à l'envers, comme moi ici une chemise. Mais dès que le soleil est masqué par des vagues de nuages, on remet les pulls (et c'est un comique de répétition cette affaire). Là, il faut fixer l'ardoise qui nous servira à annoncer les rencontres et les signatures. La visseuse de Philippe soit ne marche plus soit je n'ai pas réussi à trouver en moi les gènes bricoleurs suffisants pour la faire marcher (je penche pour cette seconde option). Alors je me retrouve sur la table à planter des clous en espérant que la cloison ne tombe pas dans la fontaine juste derrière (qui, fun fact, risque de déborder en cas d'orage ou d'averses virulentes). Mais non, ça tient. On va dire que c'est droit. Et c'est au tour de Julie de monter sur la table pour écrire de sa plus belle écriture le programme des signatures et Lou Sarabadzic vient d'arriver littéralement lorsque j'écris cette phrase. Joachim Séné et Anne Savelli sont là aussi, en pleine conversation poétique : Ron et Hermione qui finissent ensemble, c'est quand même n'importe quoi. Pour la prochaine édition, Joachim suggère que Christine Jeanney décore le stand avec ses collages et ses tricotags (retenir ça) avant de me dire ah, quelqu'un vient de sortir un Accident de personne de son sac... Est-ce une vue de l'esprit ? Non. D'ailleurs même je le signe. Pendant ce temps, à 662km, Roxane échange avec notre hébergeur OVH qui nous avertit que notre site bombarde Facebook de je ne sais quoi. Après vérifications, il semblerait que ce soit plutôt le contraire (Facebook qui interroge beaucoup notre site, par exemple quand il y a partage d'un article ou d'une page et qu'il faut récupérer des images, en faire des miniatures). Mais tout va bien, OVH a fini par débloquer les TCP-OUT, et moi non plus je ne sais pas ce que ça veut dire. Il faudra poser la question à Joachim. Moi, je passe mon temps à sortir mon petit carnet et à noter des phrases à la volée, c'est pour le carnet de bord. Précision : si vous ne voulez pas y figurer, il faut me dire que c'est du off. Certaines de mes propres phrases y figurent également, par exemple ici :  ah mais le jour où Google me vend des yeux bioniques, j'achète !

Quand soudain : un jeune curé en tenue traverse les allées en trottinette. L'organisation du marché passe ensuite dans les stands : cette nuit, ce sera la tempête, les chapiteaux vont peut-être bouger (!), il faudra donc décrocher tout ce qu'il y a aux murs et couvrir les livres des fois qu'il se mette à pleuvoir sur les livres. Bien bien. De quoi passer une bonne nuit. Et dix livres vendus aujourd'hui. Avant cela, avec Benoît Jeantet et Julie, nous dissertons sur les pulls à col roulé de Michel Foucault qui sont, semble-t-il, devenus un truc. Hasard du placement de nos livres : on pense aux disparus.

vendredi

Troisième jour de marché qui commence de nouveau à 11h30 (et c'est très bien comme ça). Sauf qu'avant, ce n'est pas rien non plus. Il faut penser à réapprovisionner tel ou tel titre du stock, si besoin, et d'autres tâches supplémentaires. Par exemple ce matin, ce sera saisir une commande importante pour notre imprimeur, vérifier les emails en retard des fois qu'il y ait une urgence (aujourd'hui, ultimes corrections pour Ambiance garantie dont les fichiers seront déposés chez l'imprimeur par Roxane), mais aussi vite isoler des extraits de textes à lire demain pour nos traditionnelles lectures au jardin du Luxembourg. Puis, in extremis, juste avant de partir, vite vite imprimer les noms d'Antonin Crenn et de Lou Sarabadzic qui signeront cette après-midi. Avant d'enfin partir en speed et en retard avec un sac à dos qui fait plic ploc puisque la caisse s'y trouve. Pour vous donner une idée de notre vendredi, voici ce que me dira Julie au creux de l'après-midi : aujourd'hui, c'est sordide, ça me donne envie d'acheter le livre Massacresqui est sur le stand d'en face (et d'ailleurs elle le fait). Comme mercredi, on subit une température octobresque ou févrière avec de la pluie par intermittence, et Lou et Antonin se succèdent dans le froid pour mouiller littéralement le maillot avec plus ou moins de succès compte tenu de la fréquentation du marché aujourd'hui. C'est la dure réalité des signatures en salon mais on tâche malgré tout de passer un bon moment ensemble à défaut de vendre des palettes (sept livres sur l'ensemble de la journée). Plus que la pluie, c'est le vent qui pose problème. C'est une tempête qui porte un nom (en soi, c'est rarement bon signe) : Miguel. À plusieurs reprises, des rafales soudaines qui nous donnent l'impression que le stand va s'envoler, la toile des chapiteaux se met à vibrer comme sur un (j'imagine) voilier. Glups quoi. À cause d'elle (la tempête Miguel), on ne pourra pas répéter comme prévu nos lectures de demain : le jardin est fermé. On revient donc bredouilles, enfin je veux dire déçus. Étrangement, on me parle à plusieurs reprises du Carnet de bord, signe non seulement qu'il est lu mais qu'il est en train de devenir un truc (!). À un moment avec Antonin, il y aura un point poneys. À un autre avec Christophe Grossi et Lou, on se partage des sablés coco citron vraiment pas dégueux. En réalité, et à contre-courant de toutes les années précédentes où il fait souvent chaud ou lourd, on rêve de soupes pour le soir.

samedi

146 mails non lus sur la boîte mail collective de l'équipe au petit matin, mais que s'est-il passé dans la nuit ? La tempête a emporté nos serveurs OVH ? Non, c'est juste le dépôt légal du numérique qui a catalogué près de 150 de nos livres. Ouf. Et comme chaque matin, je me dis qu'il faut absolument que je recopie avant de partir le Carnet de bord de la veille, autrement je vais encore passer deux heures à le faire lundi, comme après Montpellier, mais je n'ai juste pas l'énergie et/ou le temps. On en est déjà à notre quatrième jour de marché et ça commence à tirer un peu. Heureusement, Philippe nous rejoint ce matin. Là, pendant qu'on en est à manger des salades sur un coin de table vers midi, quelqu'un passant dans une allée : hmmm, des crevettes ! On pourrait espérer qu'il s'arrête nous acheter un livre en guise de sympathie crevettière (mais non). La tempête est passée mais quelques averses soudaines subsistent alors il faut régulièrement déplacer les livres qui sont en bout de table et qui mangent sur l'allée. Julie : c'est le marché de l'angoisse ! À 14h30, on attend encore que la journée commence, c'est-à-dire que l'on ouvre notre compteur ventes. En plus, on nous a comme volé une chaise. Le son des bouteilles qu'on débouche rend le poète tout chose : Oh, y a un pot ! Y a un pot ! Pendant nos lectures au jardin du Luxembourg, on entend par moment le choc des poings d'un boxeur (ou d'une boxeuse), signe que la poésie est bien un sport de combat, la preuve.

Avant, on passera notre temps à vérifier obsessionnellement la météo craignant la moindre averse pendant les lectures, et le fait est que quelques gouttes nous trouvent, Virginie Gautier, Emanuela Schiano di Pepe, Hédi Cherchour et moi pendant que nous lisons (respectivement Alger céleste, Fabrizia Ramondino que nous publierons à l'automne, les Nouvelles de la ferraille et du vent et des extraits de Petits récits d'écrire et de penser et de Cuisine). Mais les lectures sont belles, et nous sommes devant une trentaine de personnes sous les arbres. Par moments, comme chaque année, des passants s'avancent, happés par la force de gravité des écritures poétiques (!). Mais je n'ai pas le temps d'assister à tout, je m'échappe furtivement après que Anne Savelli a pris cette photo de moi en authentique poète du marché de la poésie pour aller relayer Julie sur le stand qui, elle, doit attraper son train à Montparnasse pour retourner à Lourdes, où nous la retrouverons avec Antonin pour une rencontre dans sa librairie dès mardi 11 juin (tout s'enchaine). C'est Philippe qui aura la lourde tâche, pour transformer un beau moment de poésie en succession de ventes purement commerciales, de ramener tout le monde sur notre stand, où Hédi commencera à signer dans la foulée des lectures (tout s'enchaine). En face, un autre auteur en signature revêt sa plus belle perruque blonde, comment se fait-il que nous n'ayons jamais pensé à ça ? Le fait est qu'après les lectures, c'est le tumulte, c'est là qu'on vendra le plus de la journée. S'en suit un apéro pour décompresser (il y en a aussi un autre pantagruélique au stand en face du nôtre, chez les Luxembourgeois) et, comme chaque année depuis la toute première de nos participations, où il nous a semble-t-il découverts, quelqu'un vient m'acheter des livres. On discute un moment. C'est un rendez-vous fixe dans le temps, alors quelles sont vos nouveautés ? Et on se sépare en se disant à l'année prochaine. Vu sur un autre stand : la maison n'accepte pas de manuscrits. Notre programme est complet jusqu'en 2222. Ça arrive bien souvent en salon qu'on nous en propose. Ce matin par exemple. Ce n'est pas réellement le lieu mais on tâche de répondre malgré tout, quand ces situations se présentent, en invitant la personne à découvrir d'abord nos livres. Là, c'est un peu gênant car la personne me propose un texte qu'il nous a déjà envoyé il y a plusieurs mois et que nous avons déjà refusé. Je n'ose pas lui dire ça. La dernière vente (dix-neuf livres aujourd'hui) intervient sur le coup de 20h30 avec une Vie verticale in extremis et derrière plus rien. Pas tout à fait plus rien : quelqu'un entre sur le stand mais pas pour acheter. Ah ! Ah ! C'est vous qui éditez tout ça ? Mais c'est super ! Au fait, je vends des chaussures en promo, je peux vous montrer mes collections ? C'est qu'avec toutes les ventes qu'on fait et tous les ronds qu'on récolte, ça doit attirer des convoitises.

 

dimanche

Ce matin, cinquième et dernier jour de marché, avec Philippe et Virginie il est question de garages sous-marins, de fleurs sauvages, de roulottes à cheval et de l'ultra-contemporain. Qu'est-ce que l'ultra-contemporain ? C'est nous ! Comprendre, les auteurs pas encore morts. J'ai perdu le fil des ventes aujourd'hui, mais on se situe à peu près grosso modo comme hier, peut-être un peu mieux, il faut que je fasse le compte. Entre vingt et vingt-cinq livres vendus, avec parfois trois ou quatre titres d'un coup. Mine de rien ça nous porte. Quand soudain, un trio de gilets jaunes avec guitare me demandent de chanter avec eux des chœurs révolutionnaires. Les gens sont souvent étonnés que les éditeurs, d'une année sur l'autre, se retrouvent dans le même stand, au même endroit. Le marché de la poésie, c'est un peu comme au camping à Palavas finalement. Un moment pour un dernier apéro avec Fred Griot et Sophie Coiffier, puis quelques dernières ventes avant de rater l'hommage rendu à Antoine Emaz par Florence Trocmé sur la scène du Marché (j'arriverai à la fin juste avant les applaudissements). Quelqu'un : mais pourquoi vous les avez appelé "nouveaux", ces poèmes ? — C'est pas nous. C'est Rilke. En face : la façon que vous avez de déshabiller ce tabouret, c'est presque indécent. Il y avait un contexte. Mais tout ça pour dire que l'heure est venu de démonter le stand, ce qui va finalement assez vite : remettre les livres dans les caisses en plastique, jeter ce qu'il faudra jeter, ranger les éléments de présentation ou de décoration, défaire le tissu généreusement prêté mercredi pour mettre au mur, rendre une nappe à Artgo, repartir. Et oublier, comme chaque année, de rendre nos badges à l'accueil.