[NOUVEAUTÉ] Cor, de Lionel-Édouard Martin 29 août 2018 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : , ,

Le deuxième acte de notre rentrée 2018 est dédié au désir, à l'amour et au temps perdu. Avec Corqui paraît aujourd'hui, Lionel-Édouard Martin poursuit son invention d'une langue généreuse, onctueuse, mise au service des corps et des cœurs humains. Et ce livre est un très beau prétexte pour découvrir son œuvre, une réelle porte d'entrée dans son univers.

Dans ce livre, ils sont deux. Cor, c'est le surnom qu'on lui donne à lui, il le tient de l'instrument auquel il joue à l'Harmonie municipale de son village. Elle, c'est Clarinette, femme mariée à un autre qui va bouleverser sa vie. Ensemble, le temps d'un court roman qui s'étend sur plusieurs années, ils vivront une vie d'extase et de musique. À moins que. Et tout est dans ce que.

Cor est le troisième livre de Lionel-Édouard Martin que nous publions, après Magma en 2013 et Cratyle pour mémoire l'an dernier. Il est sans doute celui où l'écriture est la plus cristallisée, alliant à la fois la luxuriance de son timbre et l'épure des situations. Il va chercher autant dans l'érotisation que l'on devinait déjà en branle dans Magma que dans l'invention de toute une ruralité mise en bouche dans La vieille au buisson de roses, superbe roman paru à l'époque aux éditions Le vampire actif en 2010. Également traducteur (les Nouveaux poèmes de Rilke en bilingue paraîtront cet automne) et poète, LEM investit le roman comme on compose un menu dans un bon restaurant : chaque page se goûte.

GV

 

 

Cor n’a rien fait pour.
Clarinette non plus n’est pas responsable.
Ça devait venir, c’est venu. Certains diraient que c’était écrit dans le ciel, une constellation stipulant tout ça du commencement jusqu’à la fin.

Cor est un cri d'amour. L'histoire, au plus profond de la Vienne, de Cor et de Clarinette, leur union clandestine. Elle mariée à un autre, lui vivant seul avec ses cochons. Tirant chacun leur surnom de l'Harmonie municipale, où ils tiennent leur pupitre et se retrouvent, et de ce dont ils jouent. Cor et Clarinette vivront, plusieurs années durant, ivres de musique et du souffle de l'autre.
Les pieds sur terre, le corps tout entier engagé dans le cuivre de son instrument, Cor, en quête d'une harmonie de cœur, fait l'expérience du temps qui passe et des duretés de l'existence. Ce livre est son histoire.
Avec ce court roman à la langue à la fois ample et pudique, Lionel-Édouard Martin poursuit sa singulière exploration des corps affectés, des mots meurtris et du terreau qui les porte.

 

 

Variations autour du même LEM,

par Marc Villemain

 

Ce qui nous trouble, alors que lui-même parfois se dit si réticent à poursuivre dans la veine romanesque, c'est ce talent qu'il a, que l'on pourrait croire inné tant on se coule d'évidence dans cette écriture joueuse, onduleuse et bosselée, de nous entraîner dans des vies. Oh, des vies de pas grand-chose, à l'image de celles de Cor et de Clarinette (ils tiennent leurs surnoms de leur appartenance à l'Harmonie municipale), lui entouré de ses cochons (on est, dans sa famille, « marchand de porcs de père en fils »), elle mariée à un type du genre teigneux, et jaloux par-dessus le marché, qui ne tardera pas à mériter son surnom de « Toréador ».

La musique étant affaire de sens, c'est bien une sensualité d'un type nouveau, pour Cor en tout cas, qu'elle fera naître chez ces deux-là, et c'est à cette histoire d'amour - puisque c'en est une - que Lionel-Édouard Martin va donner un tour passionnel (...)

Chronique à retrouver en entier sur le site de Marc Villemain

 

Lire un extrait

 

Cor vivait seul au Martreuil, il avait ses habitudes, vieux garçon ; pas encore très vieux garçon, mais vieux garçon quand même, pas mal bourru, guère causant.

Mais curieux des nouveau-venus, c’est qu’ils avaient son âge, ou presque ; et teintés d’exotisme – on parlait de « là-bas » comme d’un pays de cocagne à la radio, les rapatriés tenaient des propos lyriques sur l’odeur des oranges amères et les olives en saumure. Rôdant pas loin, donc, quand il en avait le motif, de la Chasseigne, saluant, quand il les rencontrait, d’un coup de menton d’abord, puis échangeant quelques paroles à mesure qu’il s’apprivoisait, mais avec lui, plutôt, qu’on voyait dans les champs.

 

 

Ça faisait un bon mois qu’ils étaient dans leurs murs quand il entendit.
C’était, dans les parages, improbable, l’hirondelle en hiver, la cigogne, la coquecigrue.
C’en était, pourtant, c’en était.
Mais qui des deux ? – Parce que ça venait de la Chasseigne, ça ne pouvait venir que de la Chasseigne, il avait humé l’air, un peu chien, pris le pouls de ces bribes, clairement c’en était, même grignoté par la distance, mais c’en était.
Et si c’en était, c’était donc que.
Elle, lui ?

 

 

Cor excité comme une puce. Enfourchant la mobylette. Mangeant l’espace entre les deux fermes, enthousiaste – oui, le dieu dans le poitrail.
Dévale le chemin, le son prend de la fermeté, devient dur. Dans la cour vibre d’un vibrato de vitres tremblant à la fenêtre encore sans brise-bise et derrière c’est elle qui se tient debout face au pupitre, à la lumière, qui joue clarinette aux lèvres, attentive.
Le petit geste qu’il lui fait, de la main, traverse le carreau.
S’arrête, ouvre la croisée.
Bonjour.
Bonjour, vous cherchez sans doute mon mari ?
Non, j’ai suivi la musique. On me dit Cor, pas pour des prunes.
Ah, vous en jouez ?
J’en joue ; et vous donc c’est la clarinette ?
La clarinette, oui.

 

Tout ça par la fenêtre. Elle encadrée par les montants, derrière c’est la pénombre, lui dans le grand jour avec en fond la grange, la mobylette est bleue.

Ainsi que ça débute.

 

136 pages
ISBN papier 978-2-37177-554-1
ISBN numérique 978-2-37177-195-6
14€ / 5,99€

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